Qu’est-ce que la communauté ?

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Populations En Mouvement

Sam George

Introduction

Depuis l’aube de la civilisation, les êtres humains sont en mouvement. Certaines personnes se déplacent à la recherche de pâturages plus verts, pour trouver des moyens de subsistance, à la recherche de sécurité, pour s’instruire, pour trouver un emploi, se rapprocher de sa famille, pour le commerce, pour affaires ou simplement pour survivre. D’autres se déplacent pour échapper à un conflit, à la guerre, à la violence ou à la persécution. D’autres encore se déplacent en raison de conditions de vie défavorables résultant de perturbations socioéconomiques, de catastrophes naturelles ou de bouleversements politiques. La migration humaine est une réalité mondiale majeure aujourd’hui et tout le monde est touché par ses conséquences profondes.

Alors que nous approchons de la fin du premier quart du 21e siècle, dans le monde entier, les mouvements de personnes se sont accélérés à des niveaux sans précédent.

Les déplacements humains ont émergé comme l’un des sujets déterminants de notre époque car plus qu’à tout autre moment de l’histoire enregistrée, les gens vivent maintenant dans un endroit autre que celui où ils sont nés. L’urgence, l’ampleur, le volume, la vitesse et la direction des migrations humaines ont atteint des niveaux record au cours des dernières décennies. Alors que nous approchons de la fin du premier quart du 21e siècle, dans le monde entier, les mouvements de personnes se sont accélérés à des niveaux sans précédent.  La migration humaine est devenue si omniprésente depuis l’an 2000 que les Nations Unies ont déclaré le 18 décembre de chaque année « Journée internationale des migrants » et qualifié l’année 2015 comme « Année des migrants ».

Cet article cherche à développer une compréhension complète de la question contemporaine des mouvements de personnes et à sensibiliser l’Église mondiale pour qu’elle comprenne la nature diasporique de la foi chrétienne et des opportunités missionnelles naissant des déplacements humains à grande échelle. Nous espérons aider les chrétiens à saisir en quoi les populations dispersées sont en train de transformer et de répandre le christianisme, et mobiliser l’Église mondiale, en lui donnant des ressources, pour qu’elle interagisse avec les communautés de personnes dispersées dans le monde entier.

Un monde en mouvement : nous sommes tous migrants 

Nous sommes tous soit migrants soit descendants de migrants. L’histoire des déplacements sous une forme ou une autre est profondément tissée dans notre être ; ce que nos ancêtres ont vécu, notre descendance le vivra. Le genre humain est une espèce migratoire. Les sociétés, nations, économies et politique modernes ont évolué en fonction des déplacements humains répétés. Les gens migrent de la campagne à la ville, puis d’autres de la ville à la campagne. Alors que les modes d’activité économique évoluent dans l’espoir d’une vie meilleure, d’autres personnes sont contraintes de se déplacer pour survivre, parce qu’elles sont face à des circonstances, la violence, l’instabilité ou la persécution qui les menacent.

Toute la recherche et les prévisions sur les migrations prévoient que la migration humaine mondiale continuera à augmenter au cours des prochaines décennies et restera un enjeu central dans le monde entier. Le passage aux énergies renouvelables, la pression inflationniste sur les économies nationales, les nouvelles technologies de mobilité, les véhicules autonomes, l’intelligence artificielle, la robotique, etc. engendreront des perturbations dans notre ordre socioéconomique actuel qui ne toucheront pas équitablement tous les peuples de tous les pays, ce qui augmentera à son tour l’exode hors de nombreux pays. Nous sommes à l’aube d’un saut quantique dans la mobilité humaine, accompagné de voitures volantes, d’hyperloops et d’avions supersoniques. Le dépeuplement de certains centres urbains, le vieillissement de la population de certains pays et leur rétrécissement démographique entraîneront des déplacements massifs de population. Les pandémies, l’inflation, le changement climatique, les guerres, etc. contraindront un nombre croissant de personnes à rechercher des endroits plus vivables ailleurs dans le monde. Tout cela signifie que plus de personnes migreront au cours de trois prochaines décennies qu’au cours des trois siècles précédents.

Nombres croissants : données et tendances

Il est difficile de trouver une source sûre des données les plus récentes concernant la migration mondiale. Les chiffres utilisés par les décideurs politiques, les démographes, les statisticiens gouvernementaux, les scientifiques des données de recensement, les journalistes, les organisations à but non lucratif et le grand public diffèrent largement en fonction de leurs sources, définitions, méthodologies et objectifs. Un autre fait rend cette tâche difficile : les données sont dynamiques et en constante évolution. Il est presque impossible de compter régulièrement les migrants de toute sorte dans les différentes parties du monde. De plus, quand un rapport de migration est publié, on peut déjà le considérer comme obsolète, même s’il n’en est pas moins utile.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), branche de l’ONU, suit la migration humaine en provenance de toutes les nations et rend compte des chiffres et tendances en publiant un rapport phare appelé État de la Migration dans le monde (EMM). L’EMM 2022 estimait à 281 millions le nombre de migrants internationaux dans le monde en 2020, soit 3,6 % de la population mondiale. Seulement une personne sur trente dans le monde est migrante et les personnes vivent en grande majorité dans le pays où elles sont nées, bien qu’elles soient nombreuses à migrer dans d’autres endroits au sein de leur propre pays. En 2010, le nombre de nombre de migrants dans le monde n’était que de 220 millions (environ 3,2 pour cent de la population mondiale), tandis qu’en 2000, il y en avait 173 dans le monde (c’est-à-dire 2,8 pour cent de la population mondiale). Les migrants internationaux recensés dans le monde étaient 152 millions en 1990 (2,9 pour cent), 102 millions en 1980 (2,3 pour cent), tandis qu’en 1970 ils étaient 84 millions. On a rapporté en 2020 environ 3 900 migrants morts ou disparus dans le monde, ce qui est inférieur aux 5 900 de 2019, à l’opposé le nombre actuel de morts est déjà infiniment plus élevé et continue de grimper année après année. 

Légende : verticalement de haut ne bas – Afrique ; Asie ; Europe ; Amérique latine et Caraïbes ; Amérique du Nord ; Océanie

L’Europe est actuellement la plus grande destination des migrants internationaux, avec 87 millions (30,9 pour cent des migrants internationaux), suivie de près par l’Asie avec 86 millions y résidant en 2022. L’Amérique du Nord est la destination de 59 millions de migrants internationaux (20,9 pour cent), suivie par l’Afrique avec 25 millions (9 pour cent). Au cours de 15 dernières années, le nombre de migrants en Amérique latine et dans les Caraïbes a plus que doublé passant d’environ 7 à 15 millions, faisant de la région celle qui connaît le taux de croissance le plus élevé du nombre de migrants internationaux et la destination de 5,3 pour cent de tous les migrants internationaux. Quelques 9 millions de migrants internationaux vivent en Océanie, soit environ 3,3 pour cent.

En devenant la nation la plus peuplée du monde en 2023, l’Inde est également devenue celle dont la population émigrant dans le monde est la plus forte (18 millions). Les pays d’où partent majoritairement les migrants sont le Mexique (11 millions), la Russie (10,8 millions) et la Chine (10 millions). Le pays qui se place au cinquième rang d’où sont originaires le plus de migrants est la République arabe syrienne (Syrie) avec 8 millions ; ce sont principalement des réfugiés en raison du déplacement à grande échelle résultant de la guerre qui a sévi dans la région pendant toute la dernière décennie. Les États-Unis demeurent la plus vaste destination des migrants dans le monde depuis 50 ans et compte 51 millions de migrants (chiffre de 2022). La deuxième destination la plus importante est l’Allemagne avec près de 16 millions de migrants internationaux, tandis que l’Arabie saoudite est le troisième pays de destination avec 13 millions. La Russie en comptait 12 millions et le Royaume-Uni 9 millions.

Légende : (de haut en bas) à gauche: États-Unis d’Amérique ; Allemagne ; Arabie saoudite ; Fédération de Russie ; Royaume-Uni ; Émirats arabes unis ; France ; Canada ; Australie ; Espagne ; Italie, Turquie ; Ukraine ; Inde ; Kazakhstan ; Thaïlande ; Malaisie ; Jordanie ; Pakistan ; Koweït – à droite : Inde ; Mexique ; Fédération de Russie ; Chine ; République arabe syrienne ; Bangladesh ; Pakistan ; Ukraine ; Philippines ; Afghanistan ; Venezuela (République bolivarienne du) ; Pologne ; Royaume-Uni ; Indonésie ; Kazakhstan ; Territoires palestiniens ; Roumanie ; Allemagne ; Myanmar ; Égypte

D’après le HCR, fin 2022, il y avait 108,4 millions de personnes déplacées de force dans le monde en conséquence de persécution, de violation des droits de l’homme, de guerre, de violence ou de phénomènes perturbant gravement l’ordre public. Il y a parmi eux des réfugiés, des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, des demandeurs d’asile et d’autres personnes cherchant une protection internationale. En 2022, il y avait 35,3 millions de réfugiés et 5,4 millions de demandeurs d’asile dans le monde. Le nombre de DIP a augmenté de manière vertigineuse ces dernières années pour atteindre le record historique de 62,5 millions en 2022. Environ 51 pour cent de ces réfugiés provenaient de trois pays : République arabe syrienne (19 pour cent), Ukraine (16 pour cent) et Afghanistan (16 pour cent). Les principales nations accueillant des réfugiés sont : Turquie (3,6 M), Iran (3,4 M), Colombie (2,5 M), Allemagne (2,1 M) et Pakistan (1,7 M).

Aucun des chiffres et explications ci-dessus ne parvient à dépeindre complètement et précisément le scénario de la migration mondiale contemporaine. Les populations en mouvement sont une réalité mondiale qui évolue rapidement, tous les chiffres et graphiques sont presque immédiatement obsolètes et ne représentent pas la réalité du terrain. Toutes les données citées ici sont continuellement remplacées par des données plus récentes et les lecteurs sont donc invités à consulter les sources citées pour obtenir les derniers chiffres et tendances de la migration mondiale. Cela rend l’étude des migrants et des communautés de personnes déplacées à la fois difficile et passionnante, car le nombre de migrants et toutes les tendances évoluent et changent constamment.

Découvrir la foi religieuse des communautés d’immigrants est encore plus difficile. Le nombre d’Églises d’immigrants dans les nations occidentales évolue rapidement, passe pour la plupart inaperçu des chrétiens de la nation d’accueil et est généralement sous-signalé dans les bases de données chrétiennes. Étant donné que la plupart des Églises d’immigrants commencent de manière informelle dans les maisons ou utilisent des locaux loués pour organiser leurs cultes dans des langues étrangères en lien étroit avec leur pays natal ancestral, il est difficile d’évaluer précisément la prolifération de nouvelles Églises de migrants dans le monde. En Occident, le christianisme ne décroît pas ; des immigrants d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine lui donnent une nouvelle vie et le transforment par un élan missionnel renouvelé.

Populations en mouvement et mission chrétienne

Dieu est souverain sur l’histoire et la dispersion humaines. Au cours de son deuxième voyage missionnaire, l’apôtre Paul, lors de son discours à l’aréopage à Athènes, stipule clairement :

D’un seul être il a fait toutes les nations des humains, pour que ceux-ci habitent sur toute la surface de la terre, dans les temps fixés et les limites qu’il a instituées, afin qu’ils cherchent Dieu, si tant est qu’on puisse le trouver en tâtonnant. Pourtant il n’est pas loin de chacun de nous, car c’est en lui que nous visons, que nous nous mouvons et que nous sommes. (Actes 17.26-28)

Le fait que Dieu a créé les nations (Genèse 25.23 ; Psaume 86.9-10), a pourvu au langage et à la culture (Genèse 11.1, 6, 7, 9) et a déterminé les dimensions temporelles et spatiales de notre habitation (Actes 17.26) sert le dessein missionnel de rendre gloire à Dieu, d’édifier les gens et de porter le salut aux perdus. Le déplacement rend les gens curieux des autres, met en question leur système de croyance hérité ; marginalisés dans de nouveaux contextes, ils sont incités à chercher la dévotion au-delà des dieux du pays pour la rendre à un Sauveur universel qui transcende les divinités territoriales. La dispersion des populations entre dans le plan rédempteur de Dieu pour l’histoire humaine. Du point de vue de la doctrine du sacerdoce de tous les croyants, les dispersions sont l’accomplissement du plan de Dieu pour une mission mondiale qui peut être appelée « mission de tous les croyants ». Toutes les nations comptent sur la présence, la participation et la puissance (bonne ou mauvaise) des communautés de personnes déplacées (à court ou long terme, ou de celles qui ont obtenu la citoyenneté). Tous les missionnaires sont migrants parce qu’ils doivent franchir les frontières nationales ou culturelles. De même, tous les chrétiens migrants peuvent être considérés comme des missionnaires potentiels dans l’accomplissement des fonctions missionnaires de diffusion de l’Évangile sur le plan interculturel. 

Le terme diaspora est largement utilisé pour décrire tous les groupes de personnes qui vivent dans un autre lieu que celui de leur naissance. Un autre mot grec lui est associé : ecclesia, qui signifie « rassemblement » et souvent traduit pas « Église ». Dieu rassemble les peuples dispersés pendant que ceux qui sont rassemblés sont dispersés pour sa mission dans le monde. La dispersion et le rassemblement de populations sont les archétypes jumeaux qui correspondent, reliés entre eux et se renforçant mutuellement pour comprendre la mission de Dieu dans le monde dans le contexte mondial du vingt-et-unième siècle où les flux, les ressources et l’influence missionnaires peuvent provenir de partout dans le monde et être dirigés n’importe où ailleurs dans le monde. Comme nous vivons maintenant à une époque sans précédent de l’histoire du christianisme où il y a des chrétiens dans tous les pays du monde (entités géopolitiques, et non groupes ethnolinguistiques), l’Évangile est vraiment parvenu jusqu’aux extrémités de la terre et il rebondit de ces extrémités pour acquérir un nouvel élan mondial. Le reversement radical dans la composition culturelle et démographique de l’Église mondiale donne un nouveau visage du christianisme et forge de nouvelles alliances de collaboration qui accélèreront la mission mondiale au 21e siècle.

La diaspora est un facteur qui nous force à voir le christianisme comme une foi universelle au sein de laquelle y a une grande diversité et qui possède un sens salutaire de mutualité dans le monde. Ce facteur accélère la propagation de l’Évangile et le travail de mission acquiert un nouvel élan grâce aux diasporas. Elle permet aux marges de devenir de nouveaux centres du christianisme tout en restant local partout ailleurs. C’est une missiologie mondiale revêtue de la puissance de l’Esprit qui libère le potentiel missionnel de chaque chrétien en tout lieu pour hâter la mission de Dieu dans le monde. La mission chrétienne ne va plus de l’Occident vers le reste du monde, mais de partout vers partout. Elle permet de multiples centres du christianisme et le flux missionnaire se répand dans de nombreuses directions (polycentrique et omnidirectionnel). « Partout » est devenu à la fois un champ de mission et une force de mission.

Missions avec les diasporas

Le champ des missions avec les diasporas cherche à explorer les difficultés et les opportunités des missions chrétiennes parmi les populations dispersées du monde, en tenant compte de leur contexte culturel, social et religieux spécifique. Les missions avec les diasporas sont les moyens d’accomplir le Mandat missionnaire en se mettant au service de Dieu pour et par les populations dispersées.

La diaspora est un facteur qui nous force à voir le christianisme comme une foi universelle au sein de laquelle y a une grande diversité et qui possède un sens salutaire de mutualité dans le monde.

La missiologie appliquée aux diasporas doit être différenciée de la missiologie traditionnelle selon quatre lignes distinctes : sa perspective, son paradigme, ses modèles de services et son style de service. Alors que la missiologie traditionnelle était définie géographiquement (conduisant à l’opposition étranger-local ou urbain-rural), la missiologie appliquée aux diasporas n’est pas spatiale puisque les populations à évangéliser ne peuvent plus être définies uniquement géographiquement et qu’elles ne sont pas restreintes à des frontières nationales ou à une latitude. Cela bouleverse bon nombre de stratégies missionnaires, comme la fenêtre 10/40, et de désignations géopolitiques. La missiologie traditionnelle se concentrait sur le paradigme vétéro-testamentaire venez (païens-prosélytes) et le paradigme néo-testamentaire allez (Mandat missionnaire), alors que la missiologie appliquée aux diasporas est axée au contraire sur la nouvelle réalité du 21e siècle où les populations sont vues comme des cibles mouvantes et la mission comme se déplaçant avec l’auditoire cible. Dans la missiologie traditionnelle, le schéma du service chrétien était d’envoyer des missionnaires et de pourvoir à leur soutien financier, alors que la missiologie de la diaspora reconnaît une nouvelle façon d’être en mission parmi et avec les populations, c’est-à-dire à notre porte et avec tous les chrétiens comme missionnaires.

La mission avec les diasporas saisit à bras le corps la réalité croissante du mouvement de masse contemporain des populations qui conduit à un monde interconnecté et à l’inévitable formation de communautés diverses et multiculturelles dans divers pays. Par conséquent, les approches de la mission traditionnelle qui étaient principalement centrées sur l’envoi de missionnaires dans des pays étrangers doivent maintenant interagir avec les populations déplacées partout dans le monde. Les anciennes nations qui envoyaient des missionnaires sont devenues des champs de mission tandis que des migrants des anciens champs missionnaires participent à l’évangélisation d’autres migrants et de la population de leur nation d’accueil. Le monde est maintenant notre voisinage et tous les chrétiens doivent s’éveiller à cette réalité et être équipés pour évangéliser toutes les populations partout. La mission avec les diasporas doit contextualiser le message chrétien et les pratiques chrétiennes simultanément pour de multiples contextes socioculturels et religieux dans de multiples endroits. Il est indispensable pour cela que chacun dans chaque Église soit un chrétien revêtu de la puissance de l’Esprit qui témoigne à tout le monde chaque jour. Ainsi, dans les pays d’accueil, l’accent est mis sur le rôle des chrétiens comme constructeurs de ponts entre les communautés de personnes déplacées et l’Église locale, par leur rôle d’avocats, de médiateurs et de traducteurs pour faciliter le dialogue et apporter l’aide pour une bonne intégration dans la société tout en étant transformés par les relations.

En outre, les missions avec les diasporas encouragent souvent des services chrétiens plurilingues, dans la mesure où les migrants conservent leur langue natale. Étant donné que les questions spirituelles sont souvent ressenties dans la langue du cœur, apprendre des langues étrangères, enseigner la langue dominante du pays d’accueil et proposer de petits groupes et des cultes et réunions d’Église dans plusieurs langues devient d’une importance vitale. Les missions avec les diasporas reconnaissent, apprécient et utilisent également les liens transnationaux des communautés des communautés déplacées pour avoir un impact du royaume de Dieu en établissant des partenariats avec les familles et les Églises de leur patrie ancestrale.

La nature des communautés au sein des groupes de personnes déplacées dont les relations, les ressources et les influences entre les nations transcendent les conceptions géopolitiques des missions est très transnationale. Les missions avec les diasporas impliquent une approche holistique qui répond aux besoins spirituels, sociaux et pratiques des communautés de personnes déplacées dans un pays étranger en leur apportant des services sociaux, des cours de langue, une aide à l’emploi et un soutien communautaire en plus du partage de l’Évangile, surtout pour les personnes déplacées dans des circonstances difficiles. Ces approches traitent des questions d’identité, d’appartenance, de cohésion sociale et de compétence interculturelle au fur et à mesure de l’ajustement de la vie des personnes dans le pays étranger, tout en s’assimilant progressivement, au fil du temps et des générations, aux réalités du pays d’accueil et en maintenant (de moins en moins pour certains) les liens avec les terres ancestrales. Dans l’ensemble, les missions avec les diasporas englobent une vision globale multidirectionnelle du christianisme, où la mission se fait de partout vers partout.

La missiologie appliquée aux diasporas est classiquement divisée en trois paradigmes : premièrement, la Mission auprès des personnes déplacées, qui met l’accent sur l’évangélisation des populations non atteintes du monde qui vivent désormais parmi nous ou près de chrétiens, et sur comment, dans les pays d’accueil, les Églises locales peuvent pratiquer la mission à leur porte en allant vers les nouveaux arrivants dans leur quartier, sans devoir aller à l’étranger. Les populations déracinées et transplantées sont ouvertes à l’Évangile dans les pays étrangers et n’ont ni obstacles socioculturels ni inhibitions pour changer d’allégeance religieuse. Elles comparent et mettent en contraste la foi qu’elles ont héritée avec celle d’autres personnes et se rapprochent du témoignage évangélique après s’être déplacées vers de nouveaux lieux, surtout celles qui viennent de régions où le christianisme est une religion minoritaire ou bien où les chrétiens sont persécutés. Les populations en transit sont plus réceptives à l’Évangile et ont besoin de l’hospitalité et de la charité chrétiennes.

Dans l’ensemble, les missions avec les diasporas englobent une vision globale multidirectionnelle du christianisme, où la mission se fait de partout vers partout.

Le deuxième paradigme est la Mission par les personnes déplacées, où les chrétiens membres des groupes déplacés évangélisent leurs compatriotes dans leur pays d’adoption, et d’autres migrants provenant d’autres partes du monde. Ces migrants servent de missionnaires transculturels puisque tous les missionnaires sont des migrants. C’est le déplacement physique des chrétiens qui permet à l’Évangile de se diffuser entre les cultures vers de nouvelles populations et de nouveaux lieux. De plus les chrétiens constituent la plus grande diaspora religieuse et sont plus prompts que d’autres à aller « jusqu’aux extrémités de la terre », sachant qu’ils trouveront des chrétiens où qu’ils aillent. Le truisme « si vous êtes chrétien, vous voyagerez et si vous voyagez, vous deviendrez chrétien » peut dès lors ce se révéler proche de la réalité.

Troisièmement, il y a la Mission au-delà des diasporas, où les chrétiens des diasporas participent à l’évangélisation des membres de la nation d’accueil, exercent une influence missionnelle sur les habitants de leur pays d’origine, ou exercent un ministère auprès d’autres peuples ayant leurs propres cultures, dans d’autres endroits géographiques. Les membres des diasporas sont des ponts transculturels doués d’une capacité étonnante et de l’expérience de mondes multiples ; ils ont besoin d’être mobilisés comme missionnaires autosuffisants pour imprimer l’Évangile sur leur environnement physique immédiat ainsi que sur leur réseau relationnel. Ils deviennent des interprètes naturels, toujours en train d’expliquer leur univers à d’autres et se transformant ainsi en évangélistes de leurs idées et croyances. Le déplacement migratoire étant fondamentalement une expérience « théologisante », les personnes déplacées cherchent des réponses aux questions les plus profondes sur la vie, la raison d’être et la finalité. Leur vitalité et intuitions spirituelles sont un atout formidable pour toute assemblée existant dans le pays d’accueil et elles sont motivées pour établir de nouvelles communautés de foi. 

Les missions auprès de personnes déplacées ne se bornent pas à un service chrétien auprès du 4 pour cent de la population mondiale constitué de migrants internationaux, elles ne sont pas non plus la dernière mode en matière d’études missionnaires. Puisque nous sommes tous migrants et que nous ne sommes pas natifs des lieux où nous vivons, nous devons considérer la foi chrétienne comme liée à la diaspora. La foi chrétienne est toujours en mouvement parce que notre Dieu est toujours en mouvement. Les doctrines chrétiennes et la théologie missionnaire doivent être repensées comme Dieu en mouvement (Motus Dei) ; car toute conception statique de Dieu est idolâtre, en ce qu’elle est territoriale et oppressive, rendant ses adeptes immobiles et sans vie. La foi chrétienne ne peut être ni limitée à un lieu ni domestiquée par un peuple, parce qu’elle est de nature à s’évader des prisons dans lesquelles nous l’enchâssons. Voir Dieu comme un être en mission vivant et mouvant est cohérent avec l’œuvre biblique, historique et continue de Dieu dans un monde en mouvement.

Le christianisme est par excellence une foi missionnaire puisqu’il est une foi née pour voyager.

Conclusion

Le christianisme est par excellence une foi missionnaire puisqu’il est une foi née pour voyager. En fait, la mobilité de ses adhérents et la nature mobile de Dieu font de la foi chrétienne une foi transportable et traduisible, qui ne cesse de transcender les frontières de toute sorte au fil du temps. Voir Dieu comme un être en mouvement est un outil utile pour élaborer une théologie et une missiologie pour un monde en mouvement. Les migrants, les personnes déplacées et les diasporas sont en première ligne de la mission de Dieu dans le monde actuel. Comme cela apparaît clairement dans les âges primitifs du christianisme, les personnes en mouvement sont de puissants agents de croissance, d’extension de de transformation de l’œuvre de Dieu dans le monde et continueront à façonner les contours de la progression du christianisme au 21e siècle et au-delà.

Notes sur les auteurs

Ce document d’orientation a été préparé par le Réseau thématique Diaspora du Mouvement de Lausanne. L’auteur principal est le Dr Sam George, et il a été écrit en août 2023. Ce document a été élaboré à partir d’apports de l’équipe exécutive du réseau thématique Diaspora : Dr T.V. Thomas (Malaisie/Canada), Dr. Bulus Galadima (Nigeria/USA), Rev. Barnabas Moon (Corée du Sud), Rev. Art Medina (Philippines), Dr Paul Sydnor (France), Rev Joel Wright (Brésil/USA), Dr Elizabeth Mburu (Kenya), Dr Hannah Hyun (Australie/Corée du Sud), Dr Jeanne Wu (Taïwan/USA), Dr John Park (Corée du Sud/USA), and Dr Godfrey Harold (Afrique du Sud).

Notes

  1. UN Migration. “World Migration Report.” Access  August 15, 2023. https://worldmigrationreport.iom.int/.

Biographies des auteurs

Sam George

Sam George serves as a Lausanne catalyst for diasporas and as the director of the Global Diaspora Institute at Wheaton College Billy Graham Center. Of Asian Indian origin, he now makes his home with his family in the northern suburbs of Chicago (US). He continues to wander around the world (now digitally) and teaches and writes on global migration, diaspora mission, and global Christianity.

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