Que signifie être humain ?

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Sexualité Et Genre

Olof Edsinger, Patricia Weerakoon & Mark Yarhouse

Le vécu de la sexualité et du genre est au cœur de toutes les cultures humaines, mais l’attitude à l’égard de cette réalité universelle varie considérablement d’un pays à l’autre. L’universalité du sujet et la discorde qui l’entoure le rendent éminemment pertinent pour l’Église mondiale d’aujourd’hui.

Bien que le vécu et les opinions puissent varier, notre pierre de touche pour l’évaluer est universellement applicable et immuable. La Bible interpelle toutes les cultures et toutes les facettes de la vie humaine. Les questions de sexualité et de genre ne font pas exception. Comme pour tout autre phénomène, lorsque nous évaluons ces questions, notre autorité ultime est la Parole de Dieu.

Comme pour tout autre phénomène, lorsque nous évaluons ces questions, notre autorité ultime est la Parole de Dieu.

Bien que chaque culture reflète sa propre histoire et ses propres idées et présente ses propres difficultés dans ce domaine, nous avons choisi, pour les besoins de cet article, de nous concentrer principalement sur les tendances culturelles du monde occidental. Pour le meilleur et pour le pire, la culture occidentale a un impact disproportionné sur le reste du monde par le biais des médias, des films et de l’exportation de la pornographie sur Internet.1 C’est pourquoi l’examen des tendances occidentales nous permet, d’une certaine manière, de commencer en amont de nombreux phénomènes sociaux mondiaux. La description théorique et pratique suivante constitue un contexte pastoral et missionnel pour l’évangélisation mondiale.

Fruits mondiaux de la révolution sexuelle en Occident

Pour comprendre la réflexion actuelle sur le genre et la sexualité en Occident, il faut examiner la révolution sexuelle des années 1960-1970 qui a modifié les attitudes à l’égard du sexe et du genre, érodant finalement les normes précédemment en vigueur. Deux facteurs importants de cette révolution sont : les progrès de la médecine, qui ont rendu la contraception et l’avortement plus faciles et plus sûrs, et l’évolution des mentalités, qui a rendu avortement et contraception socialement acceptables.

Tant la contraception que l’avortement séparent intimité sexuelle et reproduction, et par conséquent sexe et conception traditionnelle et biblique de la famille.2 Les technologies médicales concernant la contraception et l’avortement, et les attitudes permissives qui leur sont associées font aujourd’hui partie intégrante des programmes de planification familiale débilitants, non seulement en Occident, mais aussi dans d’autres régions du monde.

Dépourvu de tout lien avec des objectifs transcendants, il ne reste plus qu’à se faire plaisir

L’idée maîtresse de la révolution sexuelle est que le bien-être individuel, familial et social serait maximisé si les individus bénéficiaient d’une liberté illimitée en matière d’expression sexuelle. Cette idée a ouvert la voie à l’acceptation de pratiques auparavant stigmatisées.3 Elle a également favorisé l’émergence d’une culture de l’auto-gratification individuelle, qui considère les obligations traditionnelles envers la famille et la société comme des moyens dépassés de « répression » de cette auto-gratification individuelle. Cette tendance s’accompagne d’un rejet des figures d’autorité, exacerbé par les scandales sexuels institutionnels qui ont jeté le doute sur l’intégrité des sources d’autorité. Aujourd’hui, l’idéal est la « libération » de toutes les contraintes extérieures : attentes familiales, normes sociétales, biologie et autorité divine.

À première vue, il peut sembler que cela ait conduit à une survalorisation du sexe. En effet, le sexe occupe depuis longtemps une place de choix dans le panthéon des idoles de l’humanité. Mais en fin de compte, la surévaluation de notre propre autorité et de notre propre satisfaction a dévalorisé le sexe au point que son seul résultat valable est l’épanouissement personnel. Dépourvu de tout lien avec des objectifs transcendants, il ne reste plus qu’à se faire plaisir – l’amour de soi, l’égoïsme contre lequel l’apôtre Paul met Timothée en garde (2 Timothée 3.2).

Cette quête d’autosatisfaction, rendue possible par les progrès technologiques en matière de sexualité, a nourri un changement plus large de l’attitude sociale. S’inspirant des travaux de Charles Taylor, Carl Truman4 a cartographié les processus sociaux et intellectuels qui ont conduit à cette situation et les décrit comme le développement de « l’homme psychologique » dans une culture de « l’individualisme expressif ». Dans ce contexte culturel, l’objectif le plus élevé est de vivre son moi authentique en identifiant et exprimant l’épanouissement que l’on s’est fixé. Ainsi, dans un monde individualiste expressif, la religion n’a de valeur que dans la mesure où elle participe à l’accomplissement de notre objectif de vie autodéterminé.

Les effets de cette révolution sexuelle sont étendus, profonds et dommageables :

  • Les taux de mariage et de fécondité sont en chute libre dans le monde occidental ; 
  • Les comportements sexuels à risque – culture du sexe occasionnel, « hookup culture », polyamour, etc. – sont courants dans de nombreuses cultures urbaines et / ou de jeunes ;
  • La pornographie, le trafic sexuel qui y est associé et les attentes pornographiques en matière de sexe sont tout aussi répandus. Même l’alliance sacrée du mariage est parfois présentée comme une relation consensuelle non monogame ;
  • En Occident, les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont devenus courantes dans de nombreuses cultures urbaines et / ou de jeunes. En particulier à l’adolescence, de nombreux jeunes s’identifient comme bisexuels, ce qui leur permet de « garder toutes les portes ouvertes » sur le plan relationnel. En fin de compte, cependant, la plupart de ces jeunes reviennent à des relations hétérosexuelles ;5
  • En ce qui concerne le genre, le corps biologique n’est plus considéré comme une source de connaissance absolue de soi, mais plutôt comme un accessoire permettant de satisfaire sentiments et désirs individuels. Ce qui était à l’origine une condition médicale rare de transsexualité est ainsi devenu un phénomène de transgenre.

Ce qui nous attend

Toutes ces tendances contemporaines vont à l’encontre de la sexualité fidèle et biblique qui seule favorise l’épanouissement humain. Pour ce qui est de l’avenir, étant donné les tendances actuelles en matière de sexualité et de genre, nous prévoyons plusieurs scénarios possibles, scénarios qui existeront très probablement en parallèle. Dans le cadre de notre service pour Dieu, il est important d’étudier ces tendances potentielles lorsque nous envisageons des réponses qui conduiront les personnes à la foi dans le Christ et à un authentique discipulat dans le royaume.

une moralité partagée et non critique qui fonctionnerait comme une « religion ».

Première voie : libertarisme individualiste-technocratique extrême

La première de ces voies est caractérisée par un ultra-individualisme où la satisfaction personnelle est plus importante que les liens familiaux, amicaux et communautaires. Une telle société rejette d’emblée l’idée qu’il existe un modèle de sexualité saine en dehors des préférences individuelles. Dans ce contexte, l’individu est le roi ou la reine de son propre univers, notamment dans le domaine des relations sexuelles. Pour les relations, des plus décontractées aux plus intimes, la technologie sert de médiateur ; en effet les gens se tournent vers des espaces et des expériences virtuels pour la dimension communautaire et la gratification sexuelle. Nous pensons que les technologies émergentes en matière de robots sexuels et de sexe virtuel finiront, pour certaines personnes, par rendre l’autre apparemment inutile dans les sociétés bien dotées en ressources. Selon ce scénario, la nature virtuelle des relations mettra l’accent sur l’apparence extérieure et encouragera le sexe occasionnel et marchandisé. Cette voie se caractérisera également par une affirmation accrue de la recherche du plaisir par tous les moyens, qu’il soit hétérosexuel, homosexuel, pansexuel ou polysexuel.

Ce mode de vie conduira inévitablement à une augmentation de l’anxiété, de la dépression, des pensées suicidaires et du recours à l’euthanasie, ainsi qu’à une diminution de la fertilité, et à d’autres résultats désastreux pour les individus, les familles et la société en général. D’un point de vue théologique chrétien, cela peut être compris comme la loi des semailles et des moissons, associée à des éléments de jugement divin actif (voir Lévitique 18 ; Romains 1).6

La normalisation en cours de l’idéologie du genre et du mouvement transgenre constituera une autre évolution. Les technologies médicales déjà utilisées seront probablement de plus en plus accessibles et capables de modeler le corps d’une manière qu’il aurait été difficile d’imaginer il y a une génération. Dans de rares cas, ces procédures peuvent être utiles pour soulager les cas graves de dysphorie de genre. Nous prévoyons que ces mesures seront facilement accessibles à des populations de plus en plus jeunes et qu’elles seront proposées non seulement pour des raisons de « nécessité médicale », mais aussi pour satisfaire la qualité de vie perçue. Bien que des efforts soient faits pour interrompre cette progression et mener des recherches plus approfondies sur ces développements, nous prévoyons que l’amélioration de l’accès sera la norme.

Deuxième voie : légalisme communautaire-biologique

Le deuxième scénario est l’inverse du premier. Il réglemente étroitement l’identification et le comportement sexuels en public en fonction de la physiologie perceptible et de normes ethno-communautaires traditionnelles strictes. Cette approche légaliste rigoureuse se retrouve aujourd’hui dans la préférence de l’Iran pour le changement de sexe plutôt que pour la sexualité entre personnes du même sexe et dans les sanctions sévères infligées en cas d’infraction aux règles. Selon cette voie, le conformisme soumis est plus important que le fait de vivre en cohérence avec ses convictions personnelles sur la réalité. Il privilégie la fidélité aux individus, aux rituels / rites et aux symboles véhicules de l’autorité communautaire. Cette voie sera difficile à maintenir dans toute société fortement influencée par les normes culturelles occidentales, mais elle peut attirer des personnes réagissant par une opposition farouche à la première voie.

Il en résultera probablement une religiosité moralisatrice. Plutôt qu’une adhésion joyeuse et pleine de grâce aux normes bibliques, il en résulterait une moralité partagée et non critique qui fonctionnerait comme une « religion ». Une telle idéologie conduit généralement à la formation d’une communauté stable pour ceux qui partagent cette moralité – dans le cas présent, une éthique sexuelle commune – et qui exclut ceux qui ne la partagent pas.

En dehors de cette communauté, la perception de l’universalité de cette morale « religieuse » partagée et la pression exercée pour s’y conformer auront probablement des effets négatifs sur les minorités qui ne partagent pas cette morale religieuse – en particulier, pour le sujet que nous traitons, les personnes qui éprouvent des désirs non hétérosexuels authentiques, mais peut-être non désirés, et qui ne se conforment peut-être pas aux rôles de la société en matière de genre. Par conséquent, cette religiosité moralisatrice augmentera l’anxiété, la dépression et les pensées suicidaires, renforçant ainsi les préjugés qui jettent l’opprobre sur la religion et les formes traditionnelles de communauté (par exemple la famille biologique élargie) sous prétexte qu’elles sont toujours oppressives pour le bien-être personnel, ce qui renforcera à son tour l’appel séculier à abandonner la religion et la communauté en faveur de l’auto-satisfaction qui caractérise la première voie.

Troisième voie : néo-conservatisme et regain d’intérêt pour les conceptions traditionnelles de la sexualité et du genre

La troisième voie pourrait correspondre à une réévaluation de la révolution sexuelle. La révolution n’a pas tenu ses promesses, au lieu de la liberté et de l’épanouissement, les jeunes générations ont hérité d’une rupture et d’un vide intenses.7 À mesure que certains jeunes prennent conscience et acceptent cette réalité, nous pourrions assister à un retour de bâton contre ces idéologies, en particulier dans les domaines où elles s’avèrent incompatibles avec les connaissances scientifiques et la réalité objective (par exemple, l’encouragement des thérapies de changement de sexe pour les mineurs et la négation de l’humanité des fœtus). Si tel est le cas, chrétiens et non-chrétiens peuvent trouver un terrain d’entente dans leur rejet des valeurs culturelles dominantes. Des éléments de cette co-belligérance existent déjà parmi ceux qui résistent et cherchent à limiter les formes les plus extrêmes de l’idéologie du genre, défendue par certains défenseurs du mouvement transgenre contemporain.

Ce mouvement est déjà fort dans certains pans de la culture occidentale et pourrait être un aspect central à l’avenir, en fonction des gens déçus et blessés par la voie libertaire, individualiste et technocratique. Un sous-ensemble de ce groupe sera composé de personnes croyantes qui se posent des questions sur leur propre vécu de la sexualité homosexuelle ou de l’identité de genre discordante et qui essaient de trouver le moyen de vivre leur vie selon les normes bibliques en matière de comportement sexuel, comme témoins de l’action de Dieu. Leur vie sera alors « une longue obéissance dans la même direction », comme l’a dit Eugene Peterson. Nous considérons cette voie comme une existence plus petite, plus calme, plus incarnée – un contre-récit par rapport aux récits dominants mentionnés ci-dessus. Les communautés de témoins fidèles de l’œuvre de Dieu dans leur vie continueront à vivre à contre-courant des messages prônant un auto-épanouissement sexuel.

Une voie à suivre pour l’Église

Deux raisons au moins intiment à l’Église de réagir à ces changements d’attitude. Premièrement, sa réponse devrait au moins viser à ralentir – peut-être arrêter voire inverser – le déclin de la société vers l’autodestruction. L’amour du prochain nous pousse à rechercher son bien, quelle que soit son attitude à notre égard, à l’égard du Christ et de son Évangile.

La deuxième raison découle de la première. Les concepts associés au cadre chrétien pour une sexualité saine – l’idée qu’il existe un ordre indépendant de nos émotions et de nos préférences, donné par Dieu qui fait autorité – sont importants pour l’évangile chrétien, car ils sous-tendent ceux de l’évangile sur Dieu comme créateur et sur le péché comme rejet de Dieu et de ses modèles de vie. En soi, la plénitude sexuelle n’est pas l’Évangile, mais la confiance dans les attitudes bibliques et chrétiennes à l’égard de la plénitude sexuelle renforce la confiance dans l’Évangile et permet aux chrétiens de vivre de manière cohérente avec les exigences de celui-ci, notamment en matière de sexualité.

Par conséquent, les responsables d’Église doivent avoir suffisamment confiance dans la vision biblique de la sexualité pour pouvoir guider les fidèles

Par conséquent, les responsables d’Église doivent avoir suffisamment confiance dans la vision biblique de la sexualité pour pouvoir guider les fidèles en toute confiance vers cette vision et contredire les affirmations séculières. Les instituts de théologie doivent proposer des programmes d’enseignement qui intègrent la bonté et la beauté de l’éthique sexuelle biblique telle qu’elle est présentée dans l’ensemble du canon des Écritures, ainsi que les preuves scientifiques et l’expérience vécue qui soutiennent cette éthique biblique.

L’Église doit également être à la fois consciente et sensible aux erreurs du passé, au temps où elle a contribué au type de marginalisation et de rejet des personnes non hétérosexuelles, exposé dans la deuxième voie. Nous devons être prêts à identifier, dénoncer et changer la marginalisation au nom de Jésus, lui  qui n’a jamais utilisé son pouvoir autrement que pour sauver et servir. Nous sommes appelés à aller vers ces personnes, et non à les repousser.

Pour éviter les pièges de la première voie, l’Église doit :

  • Faire la différence entre une Église fidèle et un christianisme « progressiste » qui rejette la morale sexuelle biblique en faveur de l’acceptation du monde et devient ainsi apostat ;
  • Manifester la bonté et la salubrité de l’éthique sexuelle biblique, notamment la valeur de l’autocontrôle sexuel – réfréner les impulsions sexuelles pécheresses ne « réprime » pas, mais au contraire construit un caractère sain et vertueux. La chasteté est une bénédiction ;
  • Faire la différence entre cette éthique sexuelle biblique et le moralisme religieux de la deuxième voie, en soulignant la prévenance de la grâce divine salvatrice et de la justification par la foi seule. Nous sommes sauvés par grâce, et non par les œuvres, et la sanctification de notre sexualité est un don de l’esprit de Dieu ;
  • Préparer notre cœur et notre esprit aux calomnies et à la haine que nous recevrons lorsque nous rejetterons l’idole de la permissivité sexuelle et que nous rechercherons la pureté sexuelle pour la gloire de Dieu.

Nous demandons instamment à l’Église d’adopter les approches ci-dessus, ce qui la préservera d’être entraînée dans la voie légaliste, communautaire et biologique, simplement en réaction à la voie libertaire, individualiste et technocratique. Quel que soit le domaine, la réponse de l’Église ne doit pas être dictée par la peur des conséquences, mais doit être guidée par la grâce et exprimée dans l’amour de Dieu et du prochain.

Pour éviter les éléments négatifs de la deuxième voie, il est impératif de :

  • Souligner la complétude du salut divin dans le Christ – dans le Christ, Dieu restaure même ceux qui ont péché contre la constitution de leur sexualité biologique ;
  • Prouver que la dimension complète du salut dans le Christ exclut le simple moralisme – nous ne situons pas notre salut dans l’hétérosexualité ou la chasteté sexuelle, et nous ne sommes ni « sauvés par la pureté seule » ni « justifiés par l’hétérosexualité seule ». Au contraire, nous sommes sauvés par la seule grâce et c’est par gratitude que nous menons une vie de fidélité qui inclut une sexualité sainte ;
  • Accueillir ceux qui sont dans une recherche sincère et les pécheurs sexuels vraiment repentants, tout comme le Christ a accueilli et largement pardonné les pécheurs sexuels de son temps. De leur nombre sont notamment des personnes qui ressentent une attirance pour le même sexe sans pour autant la désirer, celles qui naviguent entre identité de genre et foi, y compris celles qui ont peut-être effectué une transition, dans ce qu’elles considèrent honnêtement comme une mesure de survie, et de celles qui peuvent regretter d’avoir changé de genre et peuvent ou non chercher à « détransitioner » ;
  • Être prêts à supporter la haine irrationnelle provoquée par le fait de contredire les idoles de la supériorité et de l’autosatisfaction moralisatrice.

Enfin, nous recommandons aux chrétiens de promouvoir la troisième voie, en développant des méthodes d’enseignement de l’éthique sexuelle biblique adaptées à la culture et en aidant les chrétiens à développer le type de caractère qui peut résister aux pressions et aux persécutions de tout type de culture, qu’elle soit individualiste-progressiste ou communautaire-conservatrice. Les cours de préparation au mariage ou destinés aux couples mariés, les conseils bibliques, le discipulat sexuel et un sain mentorat sont probablement des domaines clés auxquels l’Église doit donner la priorité si elle veut répondre à la confusion, aux brisements et aux besoins profonds des gens d’aujourd’hui. Cela ne peut se faire qu’en cherchant vraiment à comprendre à la fois l’éthique sexuelle de notre culture et le Seigneur plein de grâce auquel nous appartenons en tant que chrétiens.

Sexualité et Mandat missionnaire

L’arc du drame biblique passe par la création, la chute, la rédemption et le parachèvement de toutes choses. Dieu nous a accordé une vie « entre les deux temps », dans laquelle toute la création est déchue et gémit pour être rachetée. La rédemption ne se produit que dans l’œuvre de Jésus, et nous attendons la plénitude de la rédemption dans le parachèvement de toutes choses.

Il nous est parfois conseillé de parler moins des sujets controversés liés à la sexualité et au genre et de nous concentrer davantage sur les vérités centrales de l’Évangile. Nous convenons qu’il y a une valeur stratégique à aborder des sujets controversés de manière sélective et à des moments opportuns. Néanmoins, nous sommes appelés à enseigner tout le conseil de Dieu, c’est-à-dire tout ce que le Christ nous a commandé. Cela signifie enseigner une éthique sexuelle biblique qui représente l’ensemble du récit biblique, depuis la création de l’homme et de la femme dans le jardin d’Éden jusqu’au récit de la résurrection de l’épouse du Christ. Et, comme nous l’avons vu précédemment, bien que la plénitude sexuelle ne soit pas l’Évangile, la confiance dans les enseignements bibliques sur la sexualité renforce la confiance dans l’Évangile et nous permet de vivre selon ses principes.

bien que la plénitude sexuelle ne soit pas l’Évangile, la confiance dans les enseignements bibliques sur la sexualité renforce la confiance dans l’Évangile

Les chrétiens doivent donc savoir comment obéir au Christ en tant que personnes sexuées. En outre, nous devons nous attaquer à des forces destructrices telles que l’industrie de la pornographie et l’utilisation de l’IA et de la technologie comme substituts à l’intimité. Nous devons également identifier et nous repentir de la manière dont le Mandat missionnaire a été menacé par des cas d’utilisation abusive du pouvoir par l’Église pour porter préjudice à des personnes et des communautés non hétérosexuelles, et même pour faciliter et couvrir des abus sexuels.

Les témoignages de chrétiens nés de nouveau et renouvelés seront également importants pour le Mandat missionnaire, en particulier ceux qui, à l’instar de 1 Corinthiens 6.11, peuvent affirmer que leur relation personnelle avec le Christ a changé pour le meilleur leur vision d’eux-mêmes et de leur sexualité. Il peut s’agir de chrétiens qui ont été consommateurs de pornographie, auteurs d’abus sexuels, qui ont eu des relations sexuelles avant ou en dehors du mariage, etc. et qui pourront témoigner que le Christ a guéri leur sexualité et placé leur vie sur une trajectoire différente. Dieu peut permettre à ces chrétiens de vivre une renaissance qui leur permet d’être, pour ainsi dire, fiers de Jésus. L’œuvre transformatrice de l’Esprit Saint dans la vie de ces croyants peut être un témoignage vivifiant de l’œuvre salvatrice du Christ.

Mais nous nous attendons également à ce qu’il y ait beaucoup de personnes qui vivent de manière tout aussi contre-culturelle, mais de manière moins publique et visible. Ces personnes ne sont pas moins confiantes dans le Christ, son amour et son pardon. Mais leur vie, du moins dans le domaine de la sexualité, ne se caractérise pas par une victoire perpétuelle, mais par une persévérance fidèle, parfois douloureuse. Par leur engagement tranquille envers le Christ et leur volonté de surmonter leurs impulsions internes par loyauté envers lui, ils deviennent un contre-récit incarné des messages d’épanouissement sexuel mentionnés plus haut. Leur engagement contre-culturel sera lui-même un témoignage vivant de la façon dont l’obéissance coûteuse pointe vers l’œuvre rédemptrice du Christ, encore plus coûteuse et encore plus obéissante.

Opportunités et difficultés pour les efforts du Mandat missionnaire

L’Église repose sur l’espérance chrétienne. Dans un monde désorienté sur le plan sexuel et relationnel, l’évangile chrétien a le potentiel merveilleux et orientant d’être une bonne nouvelle non seulement pour notre âme, mais aussi pour notre corps et pour la société dans son ensemble. Comme tous les dons de Dieu, la sexualité est censée être notre serviteur, et non notre seigneur. À cette fin, nous devons gérer notre sexualité comme un marqueur de l’espérance chrétienne.

En ce qui concerne le Mandat missionnaire, l’espérance chrétienne peut être incarnée et transmise de manière on ne peut plus convaincante dans les témoignages de ceux qui gèrent fidèlement leur sexualité et leur genre. Il s’agira notamment des personnes que le Christ a rachetées des traumatismes, des abus, des dépendances, des troubles de la sexualité et des autres effets de la chute sur la sexualité humaine, et qui, par sa puissance et sa grâce, ont cultivé dans un cadre ecclésial sécurisant une sexualité saine sur le plan émotionnel et spirituel.

Plusieurs aléas menacent d’entraver la poursuite de cet espoir. Le premier est une source possible de division : la tendance à considérer que la grâce et les bienfaits de Dieu se présentent d’une manière donnée valable pour tous. La seconde est la tentation d’attribuer la souffrance ou l’infirmité d’une personne à elle-même ou à ses parents, comme l’ont fait les disciples (Jean 9.1-3). Plutôt que de faire de la complexité de notre condition déchue et des différentes formes que prend la restauration divine un sujet de division, faisons preuve de patience les uns envers les autres, engageons-nous dans un discernement biblique diligent et célébrons l’authentique rédemption divine, où qu’elle se produise et quelque forme qu’elle prenne.

Nous devons également être vigilants face à l’attrait d’une culture chrétienne de la célébrité dans laquelle ceux qui dirigent n’ont que peu ou pas de comptes à rendre, notamment sur le plan sexuel, et face au défi que peut représenter le souhait de tirer parti de la technologie pour le bien sans y être soumis.

En tout cela, l’Église devrait cultiver la « civilité convaincue »,8 en s’en tenant fermement aux engagements chrétiens dans une société variée et pluraliste, tout en faisant preuve de civilité, de respect et de compassion à l’égard de ceux qui sont en désaccord avec notre éthique et pratiquent un mode de vie différent.

Pour surmonter ces tensions de manière fructueuse, nous devons agir avec une confiance renouvelée dans :

  • La sexualité vécue dans le cadre du mariage monogame d’un homme et d’une femme comme un beau mystère et un modèle du Christ et de l’Église (Éphésiens 5 ; Apocalypse 19 et 21) ;
  • Une vision élevée du célibat accompagnée d’un soutien pratique et spirituel aux célibataires, en les incluant dans les rythmes quotidiens de la vie de famille au sein du corps ;
  • L’acceptation du fait que tous les êtres humains sont déchus (Genèse 3) et ont des désirs pécheurs qui ne correspondent pas au dessein de Dieu ; 
  • L’Église comme lieu émotionnellement et spirituellement sûr, propice à la transparence et à l’humilité, où les membres peuvent partager et se soutenir mutuellement, en portant les fardeaux les uns des autres ;
  • Le discernement de la différence entre un désir malsain, une disposition contre nature et une action impie ; nous devons accueillir les dons des disciples du Christ qui ont navigué fidèlement sur les questions liées à la sexualité et au genre, en dépit de leurs propres désirs et dispositions ;
  • La valeur de la maîtrise de soi pour inculquer un caractère résilient et vertueux ;
  • La réalité de notre glorieuse espérance – les délices de la vie éternelle glorifiée avec le Christ dans des corps immortels ressuscités.

L’Église s’engage dans des conversations sur la sexualité et le genre en espérant que le bien – qui est la nature du caractère de Dieu – l’emportera. Notre espérance eschatologique en ce que nous deviendrons se dirige vers une destination finale. La sexualité humaine, ou l’aspiration humaine à l’accomplissement à tous les niveaux (eros), est un signal universel que ce désir ne sera satisfait que dans l’éternité. L’espérance chrétienne, qui s’incarne dans la chasteté dans le célibat et dans le mariage, nous oriente vers la vision éternelle de l’épouse et de l’époux. 

Ressources

  • Harrison, Glynn (2016). A Better Story: God, Sex & Human Flourishing. London: Inter-Varsity Press.
  • Jones, S., & Jones, B. (2019). How and When to Tell Your Kids About Sex: A lifelong approach to shaping your child’s sexual character. Colorado Springs, CO: NavPress. 
  • Patricia Weerakoon (https://youthworksmedia.net/search?q=patricia+weerakoon)
  • Centre pour la foi, la sexualité et le genre (https://www.centerforfaith.com)
  • The Sexual & Gender Identity Institute (wheaton.edu/sgi) 
  • Stott, John R. W. (2017). Same-Sex Relationships. The Good Book Company.
  • Yarhouse, Mark (2015). Comprendre la dysphorie de genre : Naviguer sur les questions transgenres dans une culture en mutation. Downers Grove, IL: InterVarsity Press Academic.

Notes

  1. David L. Rowland & D. Uribe, ‘Pornography Use: What do cross-cultural patterns tell us?’ In Cultural Differences and the Practice of Sexual Medicine, eds. David L. Rowland and Emmanuele A. Jannini (New York City, NY: Springer, 2000), 317-334.
  2. La famille est perçue différemment selon les cultures. Certaines se concentrent davantage sur la famille dite nucléaire, composée du mari, de la femme et de leurs enfants biologiques. D’autres comprennent la famille élargie aux grands-parents, oncles, tantes, etc. Mais les deux concepts donnent la priorité à l’ascendance génétique commune. Vous étiez lié à votre famille par un ADN commun. Cet ADN commun a créé des obligations relationnelles qu’il est immoral d’ignorer. Si vous ne remplissiez pas votre devoir filial, vous étiez un « mauvais » membre de la famille. 
  3. il est important de noter que la promiscuité hétérosexuelle, la pédophilie, les expériences de discordance de genre et les relations entre personnes de même sexe ne sont pas propres à notre époque moderne. Au contraire, ces phénomènes ont existé, à un degré ou à un autre, tout au long de l’histoire et dans toutes les cultures. Les premiers écrits chrétiens, tels que la Didachè, suggèrent que de nombreux comportements de ce type étaient dénoncés dans la culture occidentale à la suite de l’expansion de l’Église chrétienne (voir Didachè, 2.2). 
  4. Carl Truman, The Rise and Triumph of the Modern Self: Cultural Amnesia, Expressive Individualism, and the Road to Sexual Revolution (Wheaton, IL: Crossway, 2020). 
  5. Anna Brown, Les adultes bisexuels sont beaucoup moins susceptibles que les gays et les lesbiennes de le faire connaîtreà leurs proches. Pew Research Center, June 18, 2019. Available: https://www.pewresearch.org/short-reads/2019/06/18/bisexual-adults-are-far-less-likely-than-gay-men-and-lesbians-to-be-out-to-the-people-in-their-lives/
  6. Cela ne signifie pas que les diverses expériences de sexualité ou de genre sont toujours, en elles-mêmes, un signe de condamnation divine. Jésus, tout en n’approuvant pas le péché sexuel, a protégé les pécheurs sexuels de la punition des fanatiques religieux, leur a offert le pardon en son nom et les a appelés à se repentir de leur péché et à vivre une vie sexuelle épanouie (Luc 7.36-50 ; Jean 4 ; voir aussi 1 Corinthiens 6.10-11). Certaines des expériences dont nous discutons sont le résultat de la chute (ou ont été rendues possibles à cause de la chute), mais ne sont pas le résultat d’une désobéissance volontaire individuelle. Cependant la prévalence et la célébration de ce type d’attitudes anti-relationnelles à l’égard du sexe et du genre sont des signes de déclin social, observés à maintes reprises au cours de l’histoire de l’humanité. 
  7. Glynn Harrison, A Better Story: God, Sex & Human Flourishing (London: IVP, 2016).8 Richard Mouw, Uncommon Decency: La civilité chrétienne dans un monde incivil (Downers Grove, IL : IVP, 2010).

Biographies des auteurs

Olof Edsinger

Olof Edsinger est le secrétaire général de l’Alliance évangélique suédoise. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont plusieurs sur les thèmes de l’identité, de la sexualité et des LGBTQ. Grâce à ses livres et à ses conférences, il est devenu une voix connue en Suède et dans les autres pays nordiques dans le domaine de la sexualité et du genre.

Patricia Weerakoon

Patricia Weerakoon est médecin et universitaire, diplômée d’une licence en médecine et chirurgie (Sri Lanka), d’un mastère spécialisé (Uni Hawaï) et d’un mastère en éducation aux professions de santé (Uni NSW, Australie). Elle a été directrice d’un programme d’études supérieures en santé sexuelle à l’université de Sydney et a écrit plusieurs ouvrages, dont Talking Sex by the Book (2020) et The Gender Revolution (2023).

Mark Yarhouse

Mark Yarhouse est titulaire de la chaire Dr Arthur P. Rech et Mme Jean May Rech de psychologie au Wheaton College, où il dirige l’Institut de l’identité sexuelle et du genre. Il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs ouvrages, dont Understanding Gender Dysphoria, Emerging Gender Identities, Costly Obedience, et Homosexuality and the Christian.

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