Quel est le fondement de la confiance ?

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Affect visuel et validation de la vérité

Robin Harris, Héber Negrão & Roch Ntankeh

En ce début du XXIe siècle, William Dyrness observe :

Il y a sûrement un accord fondamental et général quant au fait que nous sommes entrés dans une ère visuelle. De plus – bien que sur ce point il y ait probablement moins d‘accord – il n’y aura pas de retour en arrière… Et si nous sommes convaincus que le Christ continue d’être le Seigneur de l’histoire, qu’il accomplit ses desseins dans et à travers l’histoire humaine, et qu’il nous appelle à un glorieux royaume futur, nous ne voulons pas retourner au passé.1

Alors que le Mouvement de Lausanne examine l’état du Mandat missionnaire et réfléchit à comment nous pourrions communiquer et vivre à la lumière de l’Évangile au cours du prochain quart de siècle, nous ne pouvons ignorer le rôle clé du visuel dans la production d’affect (émotions conduisant à une réponse physique ou mentale) qui entraîne soit la méfiance, soit la validation de la vérité.

nous ne pouvons ignorer le rôle clé du visuel dans la production d’affect (émotions conduisant à une réponse physique ou mentale) qui entraîne soit la méfiance, soit la validation de la vérité.

Ce sujet crucial poursuit la conversation sur les arts décrite dans l’Engagement du Cap,2 nous mettant au défi de prendre plus au sérieux les principes qui y sont mis en avant, car si nous continuons à sous-estimer le rôle du visuel – qui en soi se connecte à de nombreux autres types d’expression artistique – nous ne comprendrons pas le dessein de Dieu pour ces formes puissantes de motivation et d’expression de vérité.

Visualité, matérialité et communication artistique pour le Mandat missionnaire

Dans son ouvrage Contextualizing the Faith: A Holistic Approach (Contextualiser la foi : une approche holistique), le missiologue Scott Moreau souligne l’ampleur de ce sujet et sa profonde pertinence pour le Mandat missionnaire. Il écrit :

Par dimension artistique ou matérielle, j’entends la multitude de façons dont les gens capturent et expriment symboliquement des idées, des valeurs et des thèmes de leur religion ou de leur approche personnelle de leur religion… Cette dimension comprend l’architecture, l’art (sculpture, peinture), les objets (croix), les lieux (cimetières, lieux saints), la mode et la décoration religieuses, etc. Cela inclut également l’art en tant que performance, du chant au sermon en passant par la création musicale et dramatique.3

Cette courte liste n’a d’autre but que de pointer vers la communication artistique sans chercher à couvrir de manière exhaustive la présence omniprésente de la visualisation, qui recoupe l’expression de la vérité exprimée à la fois par Dieu et par les humains créés à son image.

Moreau souligne que notre théologie des arts devrait commencer au tout début des interactions de Dieu avec nous : « Après l’acte inimaginable de création de l’univers lui-même, avec toute sa beauté et sa fonctionnalité, le premier acte d’art ordinaire que l’on trouve dans la Bible est celui où Dieu fabrique des vêtements en peau pour Adam et Eve après la chute (Genèse 3.21). Dieu est infiniment créatif (de l’univers aux vêtements), et pour nous le fait d’être porteurs d’image fait que nous aussi, nous sommes créatifs. »4 Cependant, beaucoup voient les arts comme destinés uniquement à ceux qui sont spécialement doués en tant qu’ « artistes ». Si nous pouvions voir les arts comme « toute forme accrue de communication »,5 nous comprendrions leur importance comme étant plus que l’expression de soi ou le divertissement, puisque l’art aussi « défie, cajole, pacifie, prêche, avertit et sermonne – et peut faire tout cela en même temps ».6

une théologie biblique du visuel découle de l’incarnation du Christ (kénose), illustrant le plan de Dieu pour la matérialité et la visualité comme clé de la validation de la vérité.

Loin des idéaux romantiques dont nous avons hérité et que nous continuons à propager, qui voudraient que les arts soient réservés aux personnes spécialement douées, « tous les arts viennent de Dieu, l’Artiste et la beauté suprêmes, comme un cadeau fait aux croyants et aux incroyants ; l’art est une manifestation de la “ grâce commune ” et sert la gloire de Dieu en dehors de l’économie du salut. »7 En outre, une théologie biblique du visuel découle de l’incarnation du Christ (kénose), illustrant le plan de Dieu pour la matérialité et la visualité comme clé de la validation de la vérité. La kénose était la validation visuelle ultime de Jésus en tant que chemin, vérité et vie.8

Gesa Theissen observe : « Avec le début du christianisme, la notion d’un Dieu trinitaire et de la foi en Jésus-Christ comme Dieu incarné devaient être capitales dans le développement de la relation entre la foi et l’art dans un contexte chrétien. L’incarnation était vitale pour développer une attitude positive envers l’image et envers l’idée de voir le divin, le logos fait chair. »9 L’attitude envers les expressions visuelles et artistiques de la foi a cependant varié considérablement tout au long de l’histoire de l’Église, et alors que nous regardons vers 2050, il vaut la peine d’examiner le rôle du visuel car il produit des réponses affectives et empiète sur la validation.

Émotion et affect

La recherche sur l’apprentissage et les émotions des adultes révèle que « la culture occidentale dominante valorise les modes de connaissance rationnels et cognitifs. Dans un milieu où prévalent les règles logiques et la raison, les modes de connaissance émotionnels et incarnés sont souvent rejetés et ignorés. »10 Cette vision de la cognition contraste cependant avec le rôle de l’émotion dans la prise de décision documentée dans l’étude de l’affect, qui peut être défini comme « une réponse physique ou mentale à des productions artistiques et culturelles qui sont elles-mêmes des manifestations d’expériences personnelles, sociales et communautaires. »11

Voici comment Rizvi explique le lien entre l’émotion et l’affect : « [j’]emploie le terme émotion comme interchangeable avec “ sentiment ”, et je considère l’affect comme une trace discernable ou résidu de l’émotion. Ceci est distinct de la façon dont le terme est utilisé par les personnages clés dans ce qui est connu sous le nom de théorie de l’affect, mais c’est sans doute une utilisation qui rend la discussion plus productive dans tous les domaines. »12 Ainsi, bien que les deux concepts (émotion et affect) soient liés, l’affect est important dans le processus de validation car il est plus qu’un sentiment, il est lié à la motivation, poussant une personne vers l’action et de nouvelles façons de voir le monde ; il est en fait une partie cruciale de ce qui se passe lorsque nous participons au Mandat missionnaire, à la fois en tant qu’auditeurs du message de l’Évangile et en tant que ceux qui se déplacent pour aller le raconter.

Les découvertes en neurologie et en apprentissage des adultes au cours des dernières décennies ont bouleversé une grande partie de ce que nous pensions savoir sur l’apprentissage et la prise de décision des humains. Nous savons maintenant que « les domaines cognitifs et affectifs de la connaissance sont entrelacés et inséparables. »13

Le rôle de l’affect dans la validation, la confiance et la vérité

Le champ du jugement et de la prise de décision (JDM pour le sigle anglais) bénéficie également de nouvelles compréhensions sur le fonctionnement du cerveau. Au cours des dernières décennies, les chercheurs s’intéressant au JDM qui se sont penchés sur l’affect et l’émotion ont porté une attention croissante sur « la façon dont les sentiments affectifs influencent les jugements et les décisions ».14 Leurs études ont montré que « la rationalité affective aide les décideurs à intégrer des informations disparates et à donner un sens à un monde complexe ».15 Cette relation complexe entre l’émotion et l’affect – qui nous pousse à prendre des décisions sur ce en quoi nous pouvons avoir confiance et ce que nous comprenons comme vrai – est influencée à un niveau encore plus fondamental par ce sur quoi notre cerveau choisit de se concentrer et de se souvenir. Il s’avère que même attirer l’attention du cerveau implique une émotion.

Il s’avère que même attirer l’attention du cerveau implique une émotion.

Les découvertes en neurologie en ce qui concerne la mémoire et l’attention humaines montrent que « la grande majorité des données sensorielles bombardant notre cerveau ne sont pas codées parce que le cerveau ne fait pas attention aux informations qui, en termes de réseaux neuronaux existants, n’ont pas de sens ».16 Il s’avère que deux facteurs influençant à la fois l’attention et le rappel (tous les deux importants dans la prise de décision et le processus de validation) sont liés au fait de savoir « si l’information a ou non un sens et si elle a ou non un crochet émotionnel ».17 « C’est presque comme si le cerveau avait deux systèmes de mémoire, un pour les faits ordinaires et un pour ceux qui sont chargés émotionnellement. »18

Les implications de ces idées sur le fonctionnement de notre cerveau en relation avec la validation de la vérité et la confiance ne peuvent être ignorées. Le fait que pour servir le Mandat missionnaire, nous comptions tant sur une communication propositionnelle et axée sur les mots (tout en marginalisant les formes visuelles et artistiques de la communication évangélique) est un autre exemple de notre incapacité à contextualiser l’Évangile pour un monde qui, lui, est prêt à entendre si nous parlons simplement le langage de leur cœur – les langages visuels et autres langages artistiques qui se connectent à leurs émotions.

Arts et Validation de l’Évangile

Une vague de fond d’engagement dans les arts et la mission

D’une part, il y a un engagement croissant dans les arts et la mission, alimenté par un mouvement populaire de personnes qui veulent servir Dieu à travers les arts et qui sont motivées par une passion pour le Mandat missionnaire. Beaucoup de ces personnes s’engagent avec des réseaux tels que le Lausanne Arts Issue Network,19 Arts+,20 Crescendo,21 Initiative Francophone,22 Global Ethnodoxology Network (GEN)23 et ses affiliés tels que l’Asociación Latinoamericana De Etno Artes (ALDEA),24 European Community of Christian Artists (ECCA),25 et Arts in Mission Korea,26 entre autres.27 Ces réseaux organisent des conférences et des pistes au sein de conférences organisées par d’autres d’une manière qui reflète leurs particularités.28

Certes, le nombre de réseaux, de conférences et de ressources s’est accru au cours des dernières décennies, et une liste d’agences missionnaires qui ne cesse de s’allonger lentement crée des postes pour des missionnaires qui se concentrent sur la création d’arts locaux contextualisés (parfois appelés « ethnodoxologues »).29 Mais dans l’ensemble, dans leurs valeurs et méthodes fondamentales les stratégies missionnaires n’accordent pas une place importante et sérieuse aux arts, laissant en grande partie aux réseaux artistiques le soin de soutenir et d’encourager. Estimant que les arts ne font pas partie intégrante de la mission, de nombreuses agences missionnaires para-ecclésiastiques s’appuient sur des réseaux de « para-missions » pour encourager, former et fournir des ressources à ceux qui se concentrent sur les arts et la mission.

Une compréhension croissante de la valeur des arts se fait néanmoins sentir d’une myriade de façons, grandes et petites. Dans une déclaration de 2021 sur les valeurs fondamentales pour engager les arts dans la mission, le Global Ethnodoxology Network (GEN) a affirmé que les arts sont

puissants (… et) indispensables à l’épanouissement de l’être humain. Les arts font partie intégrante de l’expression personnelle et individuelle, et de l’initiation, la transmission et le renforcement de la communication interpersonnelle et de groupe. Ils imprègnent les collectivités, marquant les messages comme importants, intégrés et séparés des activités quotidiennes, s’appuyant non seulement sur des moyens de savoir cognitifs, mais aussi expérientiels, corporels, multimodaux et émotionnels. Les arts instillent la solidarité, renforcent l’identité et servent d’aide-mémoire. Ils inspirent l’action des gens, fournissent des cadres socialement acceptables pour exprimer des idées difficiles ou nouvelles, et ouvrent des espaces pour que les gens imaginent et rêvent.30

GEN et d’autres réseaux connexes sont motivés par le fait que la Bible elle-même raconte de multiples façons comment Dieu communique avec nous à travers les arts : de vastes collections de formes artistiques telles que des proverbes, des chansons, des histoires, de la poésie, des paraboles, ainsi que des exemples de drame (pour les prophéties), des arts visuels pour engendrer la repentance (Nombres 21.1-8) et des descriptions vives de l’imagerie visuelle et de la danse.

Ces réseaux en plein essor posent une question clé : si Dieu a choisi ces méthodes pour communiquer avec nous, pourquoi les minimisons-nous dans notre propre participation au Mandat missionnaire ? Ils pensent que ce ne sont pas seulement les arts qui sont négligés. Les artistes sont également marginalisés. L’accent est également de plus en plus mis sur les arts locaux dans la mission, car « la communication artistique locale existe et est détenue localement ; il n’est pas nécessaire de traduire des matériaux étrangers et les artistes locaux sont habilités à contribuer à l’expansion du royaume de Dieu. »31

Parallèlement à l’émergence d’une pensée qui conduirait à des déclarations comme les valeurs fondamentales de GEN, la déclaration de l’Engagement du Cap de Lausanne sur « La vérité et les arts dans la mission » a été publiée en 2011, fournissant un plaidoyer passionné affirmant le rôle crucial des arts et des artistes dans le Mandat missionnaire :

« Parce que nous portons l’image de Dieu, nous possédons le don de la créativité. L’art, sous ses nombreuses formes, fait partie intégrante de ce que nous faisons en tant qu’êtres humains ; il peut également refléter quelque chose de la beauté et de la vérité de Dieu. Les bons artistes sont des “ diseurs de vérité ”, et les arts constituent donc un moyen important pour dire la vérité de l’Évangile. Théâtre, danse, récits et contes, musiques et images visuelles peuvent être des expressions tant de la réalité de notre vie brisée que de l’espoir centré sur l’Évangile qui dit que toutes choses seront renouvelées. Dans le monde de la mission, les arts sont une ressource inexploitée. Nous encourageons activement une plus grande implication chrétienne dans les arts. »

A. Nous avons soif de voir, dans toutes les cultures, l’Église s’engager énergiquement dans les arts comme contexte pour la mission, en :

  • Faisant entrer à nouveau les arts dans la vie de la communauté de foi comme composante valable et précieuse de notre appel de disciple ;
  • Soutenant ceux qui manifestent des dons artistiques, en particulier nos frères et sœurs dans le Christ, pour qu’ils s’épanouissent dans leur travail ;
  • Laissant les arts servir d’environnement favorable où nous pouvons donner de la place à notre prochain et à l’étranger pour apprendre à les connaître ;
  • Respectant les différences culturelles et célébrant les expressions artistiques autochtones. »32

Cette déclaration « Vérité et arts dans la mission » a articulé un message clair appelant à l’action sur le type d’engagement évangélique éclairé par les arts qui a été minutieusement validé par les études susmentionnées portant sur l’émotion et l’affect, la neurologie, l’apprentissage humain, le jugement et la prise de décision.

Dans sa section sur l’oralité, l’Engagement du Cap reflète cet engagement envers les arts en tant que méthode de localisation et de contextualisation : « Encourageons les organisations missionnaires à mettre au point des stratégies orales… Que ces stratégies soient accompagnées d’une formation appropriée à l’oralité pour les évangélistes pionniers et les implanteurs d’églises ; ceux-ci pourraient utiliser des méthodes fructueuses de communication orale et visuelle pour communiquer l’ensemble du récit biblique du salut, par le biais d’histoires racontées, de danses, des arts, de la poésie, de chants et de saynètes ».33 Pourtant, douze ans après la publication de l’Engagement du Cap, nous ne constatons que de lents progrès dans les stratégies globales de la mission pour favoriser une solide participation des arts.

Les pays du Sud et la communication artistique autochtone

À partir du tournant du XXe siècle, le christianisme dans le monde entier a connu une légère contraction, passant du « point culminant statistique du christianisme [en] 1900, lorsque 34,5 % de la population mondiale revêtait l’une ou l’autre forme chrétienne » à un minimum de 32,2 % en 2015.34 Ce n’est qu’en 2020 que nous avons vu des projections signalant « une légère augmentation, avec une augmentation plus importante d’ici 2050 à 35,0 % de la population mondiale. Cette augmentation s’explique simplement. Le déclin du christianisme dans le Nord planétaire est maintenant dépassé par la montée du christianisme dans le Sud planétaire (Afrique, Asie, Amérique latine, Océanie) ».35

Légende : Répartition des chrétiens par continent, 2020.Source : Todd M. Johnson and Gina A. Zurlo, World Christian Encyclopedia, 3rd ed. (Edinburgh: Edinburgh University Press, 2019), 8,10,12,14,16.

Bien que les approches missionnaires dans le Sud aient également été influencées par les approches propositionnelles de la vérité venant du Nord, dans de nombreuses cultures du Sud, les gens sont considérés comme des êtres humains pleinement créatifs (plutôt que distingués en « artistes » et « non-artistes ») et s’appuient sur des formes de communication visuelles, orales, relationnelles et artistiques plutôt que sur des approches abstraites, propositionnelles et apologétiques. Jay Matenga, dans une présentation sur « L’avenir autochtone des missions », a proposé que « l’avenir des missions sera considérablement influencé par la mise en position centrale des valeurs locales et l’autorisation donnée aux valeurs autochtones de guider la pratique des missions vers une expérience interculturelle plus saine ».36

Par exemple, la conception des bâtiments est une forme d’art qui nous parle et nous affecte peut-être plus que nous ne le pensons. Outre la forme architecturale externe d’un bâtiment religieux, la seule disposition de l’espace intérieur peut communiquer des messages involontaires. Dans tout le continent africain, par exemple, les formes occidentales d’architecture d’église évoquent un cadre de salle d’audience pour les Africains – un lieu d’accusation plutôt qu’un lieu de convivialité. En revanche, la plupart des espaces de rassemblement contextualisés en Afrique subsaharienne (même en présence de l’autorité locale), organisent les gens en cercle, ce qui met en évidence que nous sommes tous soumis aux mêmes choses – nous sommes égaux.37

Effet sur le monde, l’Église et le Mandat missionnaire

Tout d’abord, et surtout, dans cette période postmoderne et « post-vérité », nous avons besoin d’un changement dans la stratégie d’évangélisation vers une communication artistique engageante pour valider et défendre la vérité plutôt que de compter principalement sur l’apologétique et la vérité propositionnelle. Les langages visuels et autres langages artistiques génèrent un affect, une motivation et une réponse puissants vis-à-vis de la vérité, de sorte que des formes de communication artistiques contextualisées de manière appropriée seront au cœur de notre témoignage et de notre culte lorsque nous participerons au Mandat missionnaire.

Simultanément, nous pouvons nous attendre à une méfiance croissante à l’égard des formes visuelles et artistiques du savoir en raison de l’impact des technologies de l’intelligence artificielle (IA) en pleine expansion dans le paysage artistique. L’utilisation de l’IA dans toutes sortes de modes de communication augmente le besoin aigu de littératie (alphabétisme) visuelle critique, puisque même la « visualité » est également soumise à « ce moment historique de mensonge viral ».38

Opportunités et difficultés pour les efforts du Mandat missionnaire dans les arts

Une difficulté sous-estimée pour faire participer les arts à la mission est le besoin urgent de contextualisation. Il est d’une importance vitale de comprendre à la fois le rôle des spécificités culturelles ainsi que de la mondialisation dans l’affect visuel et les arts. « L’objectif de la contextualisation reste le même, à savoir la communication fidèle de la foi chrétienne, sa réflexion et sa mise en œuvre de manière appropriée à des contextes spécifiques. »39 Il est d’une importance vitale de se rappeler que les arts et la musique ne sont pas un « langage universel » qui peut être facilement compris par toutes les factions culturelles.40 La contextualisation et la localisation seront nécessaires, tout comme elles le sont dans toutes les activités missionnaires.

Il est d’une importance vitale de comprendre à la fois le rôle des spécificités culturelles ainsi que de la mondialisation dans l’affect visuel et les arts.

Une autre difficulté est notre propre penchant à reléguer les arts à un rang inférieur de priorité dans la communication de l’Évangile. Si nous pouvons commencer à voir les arts et le ministère comme faisant partie d’une approche intégrée et holistique de la communication de l’Évangile dans des contextes locaux, les artistes locaux prospéreront, tout comme la communication profonde et puissante de l’Évangile dans toute sa beauté. Mais depuis la publication de l’Engagement du Cap en 2011, la marginalisation persistante des formes visuelles et connexes de communication artistique a permis à un obstacle tragique de subsister dans la façon dont nous vivons le Mandat missionnaire.

Malgré l’enjeu de repenser nos approches propositionnelles de la validation de la vérité, les opportunités de communication évangélique artistique puissante dans le Mandat missionnaire se déroulent devant nous de manière sans précédent. À l’horizon 2050, les expressions contextualisées de la communication artistique enrichiront nos efforts pour valider la vérité de l’Évangile et servir le Mandat missionnaire. Tout comme l’incarnation du Christ a amené la Vérité à vivre parmi nous, « utiliser les traditions artistiques locales pour présenter de nouveaux concepts bibliques inconnus du peuple, c’est comme “ servir les Écritures dans des plats locaux ” ».41

Nous pensons que la déclaration de l’Engagement du Cap sur la vérité et les arts dans la mission est toujours un enjeu tourné vers l’avenir, mais qu’il n’a pas été suffisamment utilisé pour l’Évangile et le Mandat missionnaire. Alors que nous fixons nos yeux sur l’état de l’Évangile en 2050, agissons en sachant avec certitude que « les bons artistes sont des “ diseurs de vérité ”, et les arts constituent donc un moyen important pour dire la vérité de l’Évangile ».42

Ressources

Notes

  1. William A. Dyrness. Visual Faith (Engaging Culture): Art, Theology, and Worship in Dialogue (Grand Rapids, MI: Baker Academic, 2001), 132.
  2. Mouvement de Lausanne. L’Engagement du Cap : une confession de foi et un appel à l’action. 2011. https://lausanne.org/fr/statement/engagement-du-cap.
  3. A. Scott Moreau. Contextualizing the Faith: A Holistic Approach (Grand Rapids, MI: Baker Academic, 2018), 8.
  4. Moreau, 141.
  5. Brian Schrag. Creating Local Arts Together: A Manual to Help Communities Reach Their Kingdom Goals. ed. James R Krabill (Pasadena, CA: William Carey Library, 2013), 51.
  6. Moreau, 44.
  7. Richard Viladesau. ‘Aesthetics and Religion’ in The Oxford Handbook of Religion and the Art. ed. Frank Burch Brown (Oxford: Oxford University Press, 2018), 34.
  8. Leon Morris, dans le Nouveau Commentaire International sur le Nouveau Testament, note que « la vérité est étroitement liée à Jésus. Il pouvait même dire : « Je suis… la vérité » (14:6). (…) Il est évident que pour Jean, la vérité est multiple et revêt de multiples splendeurs. Quand il parle du Verbe incarné comme étant plein de grâce et de vérité, il montre le fait que la vérité et la fiabilité complète de Dieu sont liées l’une à l’autre. »
  9. Gesa Elsbeth Thiessen. ‘Artistic Imagination and Religious Faith’ in The Oxford Handbook of Religion and the Arts. ed. Frank Burch Brown (Oxford: Oxford University Press, 2018), 79.
  10. Randee Lipson Laurence. ‘Powerful Feelings: Exploring the Affective Domain of Informal and Arts-Based Learning.’ New Directions for Adult and Continuing Education 2008 no. 120 (2008): 65–66, https://doi.org/10.1002/ace.317.
  11. Kishwar Rizvi, ed. Affect, Emotion, and Subjectivity in Early Modern Muslim Empires: New Studies in Ottoman, Safavid, and Mughal Art and Culture (Boston: Brill, 2018), 4–5.
  12. Rizvi, 186.
  13. Laurence, 70.
  14. Ellen Peters et al. ‘Affect and Decision Making: A ‘Hot’ Topic.’ Journal of Behavioral Decision Making 19 (2006), 79. https://doi.org/10.1002/bdm.528.
  15. Peters et al., 83.
  16. Pat Wolfe. ‘The Role of Meaning and Emotion in Learning.’ New Directions for Adult and Continuing Education 2006, no. 110 (2006): 36. https://doi.org/DOI: 10.1002/ace.217.
  17. Wolfe, 37.
  18. Wolfe, 39.
  19. Réseau Arts du Mouvement de Lausanne (https://lausanne.org/fr/network/les-arts – https://www.facebook.com/groups/1159275907469264).
  20. Arts+ (https://www.artsplus.info).
  21. Crescendo (https://www.crescendo.org/).
  22. Initiative Francophone (initiative_franc@ wycliffe.net ) est un réseau d’organisations missionnaires en Afrique francophone qui organise régulièrement des conférences et des publications sur des sujets liés à la culture africaine et aux arts en particulier. Le thème de leur consultation en 2023 était « Rites et symboles, chants et danses à l’examen de l’Évangile ».
  23. Global Ethnodoxology Network (GEN) (https://www.worldofworship.org/).
  24. Asociación Latinoamericana De Etno Artes (ALDEA) (https://www.facebook.com/ALDEA.EtnoArtes)
  25. European Community of Christian Artists (ECCA) (https://www.facebook.com/groups/651449075271467/)
  26. Arts in Mission Korea (https://www.facebook.com/ArtsInMissionKorea)
  27. Christian in the Visual Arts (CIVA) a réussi à mettre en réseau des artistes visuels pendant 45 ans, mais a cessé ses activités en 2023 (https://www.civa.org/faq).
  28. L’Evangelical Missiological Society (EMS) a accueilli un parcours artistique chaque année depuis 2015, et plusieurs conférences se sont concentrées sur les arts en mission comme thème : Forum des chefs de mission de l’OMSC (2022), Société américaine de missiologie (2023) ; Conférence Moody Missions (2024), et ainsi de suite.
  29. Une liste de certaines des organisations avec des travailleurs des arts soutenant une approche contextualisée des arts peut être trouvée ici : https://www.worldofworship.org/organizations/#agencies.
  30. ’Core Values.’ Global Ethnodoxology Network. https://www.worldofworship.org/core-values/.
  31. Schrag, vxi.
  32. Mouvement de Lausanne. L’Engagement du Cap : une confession de foi et un appel à l’action, IIA.5.
  33. Mouvement de Lausanne. L’Engagement du Cap : une confession de foi et un appel à l’action, IID.2. C.
  34. Gina A. Zurlo, Todd M. Johnson, and Peter F. Crossing. ‘World Christianity and Mission 2020: Ongoing Shift to the Global South.’ International Bulletin of Mission Research 44, no. 1 (2020): 9, https://doi.org/10.1177/2396939319880074.
  35. Zurlo, Johnson, and Crossing, 9.
  36. Jay Matenga. ‘Indigenous Future of Mission: Authority, Indigeneity, and Hybridity.’ Seminar presented to Global Connections UK. 14 February 2022. https://jaymatenga.com/pdfs/MatengaJ_IndigenousFutureMissions.pdf.
  37. Roch Ntankeh. personal correspondence. 15 July 2023.
  38. Robin Redmond Wright, Jennifer A. Sandlin, and Jake Burdick. ‘What Is Critical Media Literacy in an Age of Disinformation?’ New Directions for Adult and Continuing Education Special Issue: Critical Media Literacy in a Pandemic of Disinformation and Conspiracy, no. 178 (2023): 12, https://doi.org/10.1002/ace.20485.
  39. Craig Ott. ‘Globalization and Contextualization; Reframing the Task of Contextualization in the Twenty-First Century.’ Missiology: An International Review 43, no. 1 (2015): 43–44, https://doi.org/10.1177/0091829614552026.
  40. Héber Negrão. ‘The Arts Are Not a Universal Language: Ethnodoxology and Integrating Local Arts in Worship.’ Lausanne Global Analysis 11, no. 5 (2022), https://lausanne.org/content/lga/2022-09/the-arts-are-not-a-universal-language; Robin P. Harris. ‘The Great Misconception: Why Music Is Not a Universal Language’ in Worship and Mission for the Global Church: An Ethnodoxology Handbook (Pasadena, CA: William Carey Library, 2013), 82–89. https://www.worldofworship.org/wp-content/uploads/2016/08/Robin-Handbook-Article.pdf.
  41. Michelle Petersen. ‘Serving Scripture in Local Dishes: Seven Analytic Lenses.’ Presented at the International Bible Translation Conference, Dallas, TX. 14 October 2013.
  42. Mouvement de Lausanne. L’Engagement du Cap : une confession de foi et un appel à l’action, IIA.5.

Biographies des auteurs

Robin Harris

Dr Robin Harris est titulaire d’une maîtrise en études interculturelles et ethnomusicologie et d’un doctorat en musique/ethnomusicologie. Elle a servi pendant des décennies dans des contextes interculturels, dont 10 ans en Russie, et prend la parole maintenant dans des collèges et des conférences sur des sujets tels que l’ethnodoxologie et l’ethnomusicologie. Ses publications comprennent la co-édition de Worship and Mission for the Global Church: An Ethnodoxology Handbook (William Carey Library, 2013) et Storytelling in Siberia : The Olonkho Epic in a Changing World (University of Illinois Press, 2017). Elle est actuellement directrice du Center for Excellence in World Arts de la Dallas International University (anciennement GIAL) et consultante artistique pour SIL International.

Héber Negrão

Héber Negrão est le coordinateur de l’anthropologie et des ethnoarts pour l’Association linguistique missionnaire évangélique (Wycliffe au Brésil) et il est membre du Réseau mondial d’ethnodoxologie. Il est impliqué dans le ministère ethnoartistique au Brésil depuis 16 ans. Il poursuit actuellement un doctorat en arts du monde à l’université internationale de Dallas. Ce qu’il a vraiment à cœur est de voir tous les peuples louer Dieu en utilisant leurs arts personnels d’une manière culturellement appropriée. Héber est également le coordinateur linguistique en ligne de l’équipe de communication du Mouvement de Lausanne. Il est marié à Sophia et ils ont deux enfants.

Roch Ntankeh

Dr Roch Ntankeh est titulaire d’un doctorat en théologie et études interculturelles avec spécialisation en ethnomusicologie de la Faculté de Théologie Évangélique du Cameroun, où il est actuellement directeur adjoint du programme de maîtrise. Il enseigne la missiologie, l’ethnodoxologie et la méthodologie de la recherche scientifique. Il est également membre du Global Ethnodoxology Network (GEN), où il siège au Conseil consultatif mondial (Global Advisory Council). Il est consultant en ethnodoxologie pour plusieurs organisations missionnaires, animant des ateliers de composition musicale locale au Cameroun et dans les pays francophones d’Afrique.

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