Au cours des 100 dernières années, le visage du christianisme a changé radicalement. Quelles en sont les implications mondiales pour les croyants ?
J’ai un ami qui vit à Londres. Il m’a relaté récemment un incident qui reflète la physionomie changeante de l’Église mondiale. Il disait : « Depuis que je vis à Londres, trois personnes sont venues vers moi dans la rue pour m’annoncer l’Évangile. Deux étaient d’origine africaine et le troisième venait de Chine. » Mon ami attend toujours qu’un Anglais lui présente le Christ de cette façon.
Cette expérience n’est qu’une petite fenêtre ouverte sur une réalité plus vaste, à savoir que l’Église mondiale est avant tout africaine, asiatique et latino-américaine. Aujourd’hui, dans le monde, près de 77 pour cent des chrétiens évangéliques se trouvent dans ces trois continents. En outre, on estime que la moitié de tous les chrétiens seront africains d’ici 2050. Les choses ont bien changé depuis l’époque de David Livingstone.
Cela ne se limite pas au nombre plus important de chrétiens dans le Monde majoritaire. L’expérience de mon ami nous aide aussi à voir qu’une transition est en train de s’opérer vers une nouvelle ère de la mission mondiale. Autrefois vue comme une entreprise « de l’Ouest vers le reste » du monde, la mission est devenue une activité mondiale, polycentrique, « de partout vers partout ». Il y a seulement 100 ans, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine étaient principalement vues comme des terres de mission – aujourd’hui, ce sont des forces missionnaires. Comment est-ce arrivé ? Comment le christianisme est-il devenu une telle réalité mondiale ?
D’une certaine manière, le christianisme a toujours été plus diversifié que les cultures environnantes. Les recherches récentes ont souligné ce que de nombreux historiens de l’Église savaient déjà : le christianisme a commencé comme un mouvement mondial, et il l’est toujours resté.
Mon illustration préférée de la nature mondiale de l’Église historique est probablement l’histoire que raconte Andrew Walls mettant en jeu un doctorant intergalactique. Un savant alien décide de voyager jusqu’à la Voie lactée pour étudier un phénomène sur une minuscule planère appelée Terre : une religion connue sous le nom de christianisme.
La durée de vue de cet étudiant étant très grande, il a la possibilité de se rendre sur la Terre plusieurs fois sur une période de deux mille ans. Chaque fois, il se rend là où il pense trouver le cœur du christianisme : Jérusalem au premier siècle, Nicée au quatrième siècle, l’Irlande au septième siècle, Londres au dix-neuvième siècle et le Nigéria au vingtième siècle.
Imaginez la grande diversité à laquelle il a été confronté : la diversité culturelle, bien sûr (depuis les Juifs de l’Église primitive aux croyants des douzaines de peuples au Nigéria) ; mais aussi la diversité de l’éventail d’accents théologiques (depuis l’attente messianique à Jérusalem jusqu’à l’actuelle puissance de l’Esprit en Afrique de l’Ouest, en passant par le solide trinitarisme de Nicée) ; et sans oublier la diversité des pratiques cultuelles et de mission (depuis le culte dans le temple jusqu’à l’ascétisme monastique, voire l’activisme abolitioniste).
La diversité est présente dans l’Église à la fois dans l’espace et dans le temps. L’Église a toujours été un mouvement diversifié.
Pourtant, d’une autre manière, il se passe aujourd’hui quelque chose de nouveau. Dans un post précédent, j’ai souligné l’impact missionnel de la Réforme qui a donné la Parole de Dieu au peuple à travers sa traduction en langues vernaculaires, et l’impact sur l’œuvre de Dieu, par le rappel du sacerdoce de tous les croyants. Imaginez un monde dans lequel un cordonnier nommé William Carey ne serait pas allé en Inde y traduire la Bible en plusieurs langues !
L’œuvre de Carey, commencée à la fin de 18ème siècle, allait servir de prototype à beaucoup d’autres œuvres pendant les 100 années suivantes. Cela a conduit Kenneth Scott Latourette à appeler le 19ème siècle : « le siècle d’or » de l’histoire de l’Église. Il dit :
Jamais encore le christianisme, ni aucune autre religion, n’avait été présenté à tant de peuples et de cultures différentes. Jamais encore, sur une même période, le christianisme, ni aucune autre religion, n’avaient pénétré pour la première fois de si vastes étendues qu’au dix-neuvième siècle. Jamais encore autant de centaines de milliers de personnes avaient contribué spontanément aux moyens d’aider à répandre le christianisme ou une quelconque autre religion.
Cette lancée s’est poursuivie, malgré la dévastation de deux guerres mondiales, jusqu’au moment où, à la fin du 20ème siècle, nous avons pu parler d’une Corée à 25 pourcent chrétienne, quand elle ne l’était qu’à 1 pour cent au début du siècle. Ce n’est qu’un exemple de ce que Philip Jenkins appelle The New Faces of Christianity [Les nouveaux visages du christianisme].
Nous vivons dans un monde où les anglicans qui se rassemblent chaque dimanche dans les églises du Nigéria sont en nombre de plus en plus grand que dans toutes les églises anglicanes et réformées d’Europe et d’Amérique du Nord réunies.
Mais encore, les hommes et femmes de Corée et du Nigéria ne se contentent pas de louer et d’adorer Dieu, ils partent en mission. L’Association des missions évangéliques du Nigéria, avec une liste de plus de 15 000 missionnaires, a pour déclaration de mission : « Être une plateforme de communion et de réseautage pour l’Église nigériane et pout le mouvement des missions afin d’achever le Mandat missionnaire. » Le Mouvement pour les initiatives nationales africaines travaille dans tout le continent pour atteindre des buts similaires. En Amérique latine, Comibam joue un rôle similaire de mobilisation de l’Église pour qu’elle participe à la mission du Christ dans le monde.
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QUELQUES POINTS DE VUE VENUS DU CHRISTIANISME DU SUD
GHANA, BRÉSIL, ASIE DE L’EST ET L’ÉGLISE MONDIALE
La Corée fait depuis un certain temps partie des dix premières nations pour ce qui est de l’envoi de missionnaires. De même, la mobilisation des Églises chinoises pour les peuples non-atteints est sans doute bien connue. Il est enthousiasmant de voir dans toute l’Asie le mouvement de mobilisation pour la mission ensemble. Le congrès Asia 2022 était sous bien des aspects sans précédent. Il l’était premièrement par l’étendue de la mobilisation qu’il a suscité dans toute l’Asie. Deuxièmement, il a réuni pour la première fois Lausanne Asie, l’Alliance évangélique asiatique et l’Alliance théologique asiatique. Troisièmement, le congrès lui-même avait été précédé d’années d’élaboration de coalitions et de mois de conversations continues et de formations portant sur l’implantation d’Église et la multiplication en Asie.
Ce qui est à mon avis peut-être le plus enthousiasmant est le fait que cela se produise dans une région où la persécution augmente. L’Indice mondial de la persécution de Portes Ouvertes de 2023 recense les 50 pays du monde où il est le plus difficile d’être chrétien, dont la plupart sont des pays d’Asie. Le Nigéria est également sur cette liste.
Historiquement, l’Église a diminué et progressé, souvent en synchronisation avec la persécution. Je ne connais cependant aucun autre mouvement de mobilisation dans toute l’histoire chrétienne qui ait eu lieu au milieu de persécutions systématiques et généralisées. Cela ne diminue en rien la fidélité héroïque des générations de martyrs et de ceux qui ont été gagnés au Christ par leur fidélité, ni de ceux qui se sont aventurés au prix de grands sacrifices pour annoncer l’Évangile dans des coins qui s’y opposaient violemment. Néanmoins, la réponse habituelle à la persécution est davantage de rester ferme dans la foi que de la répandre.
L’histoire du people de Dieu connaît vraiment une nouvelle ère. Bien que l’espace limite tout ce que l’on pourrait dire ici sur la façon de répondre à cette nouvelle réalité ou d’aller de l’avant, permettez-moi de proposer trois actions :
1. Louer le Seigneur.
Les responsables et les praticiens de la mission des générations précédentes ont rêvé du jour où l’Église serait établie dans tout le Monde majoritaire. Que penserait Sung Shang Chieh de la croissance de l’Église chinoise aujourd’hui ? Avec quelle joie Amy Carmichael célèbre-t-elle en ce moment dans le ciel la croissance de l’Église indienne ? Unissons-nous à eux. Dieu a fait de grandes choses !
2. Regarder localement / régionalement.
Si le partenariat mondial en mission est peut-être bien le but, il y a toutefois de bonnes raisons de réfléchir de temps en temps à un niveau plus local ou régional, pour que le tout soit meilleur à cause de la contribution des parties. Les responsables du Monde majoritaire se rassemblent et ressentent le besoin de bien gérer le basculement historique dont ils ont hérité et qu’ils dirigent désormais. De la théologie à la pratique ecclésiale et jusqu’aux missions, nous comprenons que la santé spirituelle est impérative. Pour cela, la prière urgente et pleine d’humilité, associée à une soumission joyeuse à l’autorité suprême de la Bible, sera vitale.
En Occident, nous sommes témoins de ce que qu’on pourrait appeler un repli, une sorte de vannage où les forces culturelles ne motivent plus la foi. Cette perte d’influence, couplée à la révélation honteuse du péché dans la maison de Dieu, aura, nous l’espérons, pour résultat une Église purifiée, caractérisée par l’humilité et la sainteté, qui à la fois brillera d’autant plus et aura davantage un cœur de serviteur dans le partenariat avec nos frères et sœurs dans le monde.
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LES ÉTRANGERS SONT-ILS ENCORE NÉCESSAIRES À L’ÈRE DE LA MISSION AUTOCHTONE ?
RÔLES DES ÉTRANGERS, STRATÉGIES ET RÉFLEXIONS DANS LE CONTEXTE LOCAL
3. Se préparer au partenariat.
Nous avons beaucoup appris en matière de partenariat depuis le premier congrès du Mouvement de Lausanne en 1974. Nous avons encore une mission et nous avons encore besoin les uns des autres pour réussir. Nous avons besoin de beaucoup de partenariats – locaux, régionaux et mondiaux.
Des partenariats légers et des partenariats denses ; des partenariats multiples et des partenariats complémentaires ; des partenariats d’Églises, des partenariats para-ecclésiaux et une combinaison des deux. Laïcs et clergé, ou ce que nous appelons des partenariats Néhémie et Esdras.
Dans le processus plus large de Lausanne 4, la mobilisation de milliers d’équipes d’action collaborative est une des activités fortes. Ces équipes peuvent être petites ou très grandes. Elles peuvent être locales, régionales ou mondiales. Ce qu’elles ont toutes en commun, est la volonté de combler le fossé, identifié par la recherche constante, restant dans l’accomplissement du Mandat missionnaire, et conduisant au congrès Séoul 2024 et au-delà, même jusqu’à l’année 2050. Le financement, la communication, la technologie et, disons-le, l’humilité nécessaires pour catalyser les équipes dépassent tout ce qu’un réseau ou un mouvement peut faire isolément.
C’est une bonne nouvelle que l’Évangile soit proclamé dans les rues de Londres. C’est merveilleux de voir la croissance de l’Église dans le Monde majoritaire. Réjouissons-nous-en ! Et souvenons-nous, avec urgence, qu’il y a encore beaucoup à faire. Beaucoup de prière. Beaucoup de soumission à la Parole de Dieu, de formation dans cette Parole et de proclamation de cette Parole. Il y a encore des milliers de groupes de population qui n’ont qu’un accès réduit à l’Évangile, voire pas d’accès du tout. L’Occident a besoin d’un renouveau et le Monde majoritaire a besoin que se poursuive sa croissance. Il y a encore des centaines de millions de musulmans, d’hindous, de bouddhistes et d’animistes qui attendent d’entendre l’Évangile pour la première fois dans leur langue.
Partout dans le monde on a besoin de leaders qui ressemblent au Christ. Nous avons besoin les uns des autres, et nous continuerons à avoir besoin les uns des autres, jusqu’au jour où nous serons rassemblés autour du trône dans le ciel, avec des frères et des sœurs de toute tribu, langue, peuple et nation (Apocalypse 7.9).