L’IA au service de l’étude de la Bible

Introduction

De nombreux outils basés sur l’IA sont aujourd’hui proposés aux chrétiens pour leur permettre d’étudier les Écritures et d’acquérir une maturité spirituelle. Ces outils revendiquent donner aux utilisateurs la possibilité de « créer des plans d’études personnalisés adaptés à leurs besoins »,¹ d’interagir avec un professeur de théologie sympathique optimisé par l’IA² ou même de « réaliser des recherches avancées sur des sujets bibliques complexes ».³ Comment les chrétiens devraient-ils considérer les outils d’étude de la Bible basés sur l’IA ? Dans cet article, nous classons ces outils en trois catégories, nous examinons les inconvénients de l’utilisation de ces outils pour la croissance spirituelle et nous proposons des recommandations aux fidèles et au clergé qui sont confrontés à ces outils.

Catégories d’outils d’IA

Outils basés sur la recherche

Les outils basés sur la recherche prennent en compte la demande de l’utilisateur et renvoient les résultats de la recherche à partir d’une base de données.⁴ Par exemple, un utilisateur pourrait être intéressé par le thème du sacrifice dans l’Ancien Testament et pourrait utiliser un outil d’IA pour repérer rapidement des histoires comme le sacrifice d’Isaac par Abraham (Genèse 22) et le sacrifice d’Élie sur le mont Carmel (1 Rois 18). À titre d’exemple, l’explorateur de références croisées de VerseOnix permet à l’utilisateur de « rechercher n’importe quel mot, thème ou histoire pour explorer tout ce qui s’y rapporte dans les Écritures ».⁵ Dans ce cas, la base de données bien organisée comprendrait des versets individuels ou des passages de la Bible, mais pourrait également incorporer d’autres ressources, allant des textes patristiques aux transcriptions de sermons récents. La récupération est souvent associée à un texte généré par un grand modèle de langage (GML ou LLM pour le sigle anglais) (processus connu sous le nom de génération augmentée de récupération (GAR ou RAG pour le sigle anglais),⁶ où le passage original est renvoyé accompagné de quelques explications supplémentaires.

Outils textuels pré-générés

Des outils textuels pré-générés tels que l’étude de la Bible assistée par l’IA d’Open Bible⁷ s’appuient sur une base de données de contenus générés précédemment à l’aide d’un GML. Sur la base d’une requête de l’utilisateur, un sous-ensemble de contenus pertinents sera renvoyé. Par exemple, pour un passage spécifique de l’Écriture, le texte généré par le GML peut inclure un résumé, des questions de discussion, un commentaire ou une interprétation. L’avantage de cette approche est qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer un outil d’IA pour la recherche particulière d’un utilisateur et que les développeurs peuvent conserver manuellement les entrées afin d’apporter des améliorations progressives.

Chatbots conversationnels

Les chatbots conversationnels sont de loin l’outil le plus courant, qui permet à un utilisateur de dialoguer avec un GML. Les développeurs commercialisent ces GML comme étant « plus chrétiens » que leurs homologues « laïques » tels que ChatGPT ou Claude. Abstraction faite du problème de la vérification quantitative de ces affirmations,⁸ il existe plusieurs approches que les développeurs peuvent utiliser pour personnaliser les GML en fonction de contenus tels que des versets bibliques ou d’autres ressources chrétiennes. Ces chatbots personnalisés sont peu coûteux et faciles à construire et ne nécessitent que peu ou pas d’expérience en matière de codage. Par contre, ce sont ces modèles qui soulèvent les problèmes les plus techniques et les plus théologiques.

Avantages, inconvénients et recommandations possibles

Études bibliques enrichissantes

S’ils sont utilisés parallèlement à d’autres sources fiables, les GML basés sur les GAR ont le potentiel de faire découvrir aux utilisateurs une variété de documents qu’ils n’auraient peut-être pas consultés autrement. Ce matériel pourrait permettre à un chrétien d’approfondir sa compréhension en explorant des perspectives différentes des siennes. Par exemple, un chrétien de sensibilité charismatique peut être inspiré par la mystique catholique anglaise Margery Kempe. Les chrétiens d’origine catholique ou protestante pourraient être initiés à des spécialistes de l’orthodoxie orientale tels que Kallistos Ware ou Alexander Schmemann. Enfin, l’inclusion de sources laïques dans un corpus de GAR pourrait permettre de mieux comprendre ce qui rend la perspective chrétienne si particulière.

Limiter le cycle herméneutique

L’utilisation d’un modèle d’IA pour l’étude de la Bible ou la formation spirituelle présente des inconvénients évidents. S’appuyer trop fortement sur un modèle d’IA pour obtenir des informations risque d’entraver une croissance probante. Saint Augustin a parlé d’un cycle herméneutique qui génère de la compréhension par une alternance entre la foi et la raison, le texte et le contexte, la compréhension initiale et la nouvelle prise de conscience.⁹ Dans l’herméneutique moderne, ces idées se reflètent dans ce qu’on appelle la « spirale herméneutique »¹⁰ et la « fusion des horizons ».¹¹ S’appuyer sur un GML qui n’apportera que des platitudes peut entraver ce cycle de développement. Les chrétiens sont tous appelés à se présenter à Dieu comme « un ouvrier qui n’a pas à avoir honte, qui dispense avec droiture la parole de la vérité. » (2 Timothée 2.15) Puisqu’un outil d’IA est incapable de traiter la parole de la vérité, n’ayant pas une âme aimée de Dieu ou faite à l’image de Dieu, peut-être ne vaut-il pas la peine d’incorporer les GML dans notre étude de la Bible.

Préjugés culturels

Les problèmes couramment rencontrés dans les échanges avec un GML sont accentués lorsque le celui-ci est utilisé dans le cadre d’une étude de la Bible. Actuellement, l’une des préoccupations exprimées à cet égard est la confabulation qui peut conduire à l’incompréhension, voire à l’hérésie. Les préjugés liés aux dimensions culturelles et sociales, ainsi qu’aux dimensions doctrinales, sont difficiles à évaluer et peuvent renforcer les tendances existantes. Comme la plupart des GML sont formés à partir de documents détournés de l’érudition chrétienne occidentale, ils privilégient certaines interprétations liées à une culture par rapport à d’autres.

Anthropomorphisation

L’anthropomorphisation des chatbots est une préoccupation croissante,¹² car dans le contexte de la formation spirituelle, elle peut amener certains utilisateurs à considérer le GML comme un compagnon ou un guide spirituel plutôt que comme l’outil puissant mais imparfait qu’il est. (L’un ou l’autre – on ne voit pas une énumération de problèmes et la phrase est donc incorrecte dans le contexte, sauf à la rapporter à tous le paragraphes qui précèdent et dans ce cas il conviendrait peut-être d’arrêter ici le paragraphe et introduire un nouveau paragraphe qui pourra introduire la suite)   (de ces) Ces différents problèmes (pris isolément) devraient faire réfléchir à l’utilisation d’un GML pour la formation spirituelle. Dans l’ensemble, il n’est pas certain que les GML aient un rôle à jouer dans l’étude de la Bible.

Discernement humain

Un argument courant en faveur de l’utilisation de ces outils est la faillibilité des êtres humains : si une IA est capable d’expliquer un passage de l’Écriture mieux que l’homme moyen, elle mérite d’être déployée auprès des utilisateurs. Toutefois, comme le souligne Luke Plant, un GML qui fait de l’exégèse ou qui offre une orientation spirituelle ou qui évangélise une foule n’est pas en concurrence avec l’homme moyen, mais avec les meilleures ressources facilement accessibles sur l’internet.¹³ Pour aller encore plus loin, un GML ne devrait pas être à la hauteur de la supervision pastorale et de l’interaction communautaire auxquels un chrétien en pleine maturité devrait déjà participer. Le travail d’érudition, d’interprétation, d’enseignement et d’apprentissage de la Bible est l’œuvre du corps du Christ et ne peut être accompli de manière responsable par une machine. Dieu est « là où deux ou trois sont rassemblés pour mon nom » (Matthieu 18.20), et les bénéfices d’un GML ne remplacent pas la communauté chrétienne et l’érudition.

Conclusion

Pour les responsables d’Église confrontés à ces outils, il doit être clair qu’il ne faut pas faire confiance à un GML isolé pour interpréter les Écritures, favoriser l’étude de la Bible ou évangéliser les peuples non atteints. Ces tâches nous ont été confiées à nous, l’Église, le corps du Christ. Elles sont trop importantes pour être confiées à une machine. Elles sont trop pleines de vie pour être laissées à un appareil mort et sans gouvernail. La théologienne Judith Wolfe a écrit : « Lorsque nous construisons théologiquement, nous ne construisons pas des tours, mais des bateaux. Et nous faisons confiance à la mer. »¹⁴ Qui oserait s’aventurer sur une embarcation fragile, sans gouvernail et pleine de trous ?

Notes

1. “BibleAI: Discover the Most Advanced Bible Search Engine”. bibleai.com. Accessed 9 August, 2025.
2. “SharetheBible.ai: Discover Timeless Biblical Insights with Artificial Intelligence and Share the Bible Confidently”.sharethebible.ai. Accessed 9 August, 2025.
3. “ScriptureArk: Advanced Bible Research and Study Tool.” criptureark.com. Accessed 9 August, 2025.
4. Graber, Adam. “Robot ‘Church Fathers’ Might Curate New Cannons”. Christianity Today, 2023.
5.  “VerseOnix: Discover Scripture Through AI-Assisted Study”. verseonix.com. Accessed 9 August, 2025.
6. Lewis, Patrick, et al. « Retrieval-augmented generation for knowledge-intensive nlp tasks. » Advances in neural information processing systems 33 (2020): 9459-9474.
7. “AI-Assisted Bible Study”. openbible.info/labs/ai-bible-study. Accessed 9 August, 2025.
8. Schwarting, Marcus. “To Christians Developing LLM Applications: A Warning, and Some Suggestions”. AI and Faith, 2023.
9. Saint Augustine. “The Confessions of S. Augustine”. Vol. 1. (JH Parker:1838).
10. Osborne, Grant R. “The hermeneutical spiral: A comprehensive introduction to biblical interpretation.” InterVarsity Press, 2010.
11. Gadamer, Hans-Georg. “Truth and method”. A&C Black, 2013.
12. Reinecke, Madeline, et al. “The Double-Edged Sword of Anthropomorphism in LLMs”. MDPI Proceedings, 2025.
13. Plant, Luke. “Should we use AI and LLMs for Christian Apologetics?”. 2024.14. Judith Wolf, The Theological Imagination: Perception and Interpretation in Life, Art, and Faith. (Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2024) 26.
14. Judith Wolf, The Theological Imagination: Perception and Interpretation in Life, Art, and Faith. (Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2024) 26.