Notre Seigneur Jésus-Christ dit : «Lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux ». (Luc 14.13-14) 1
Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé,2 les personnes porteuses de handicap représentent 15 % de la population mondiale, et la majorité d’entre elles vit dans les pays en développement. Malgré leur nombre élevé, les personnes porteuses de handicap participent peu à la vie sociale, notamment aux activités chrétiennes. Il est rare de trouver des personnes porteuses de handicap parmi les membres d’une Église locale ou d’une organisation chrétienne, mais aussi et surtout parmi leurs responsables. Cela signifie que la place que l’Église réserve aux personnes porteuses de handicap ressemble à celle que leur réserve le monde. Pourtant, Jésus-Christ nous invite tous, sans exception, à participer à son festin (Matthieu 22.9) et au Mandat missionnaire (Matthieu 28.19).
En dépit des efforts visant à accroître l’inclusion des personnes porteuses de handicap dans les activités chrétiennes, cette inclusion dépend du point de vue de chacun sur le handicap. La recherche montre que la faible participation à la vie sociale des personnes porteuses de handicap est due à la fois à des barrières sociales – telles que la stigmatisation et la discrimination – et à des barrières environnementales, physiques et organisationnelles. Pour surmonter ces obstacles et d’autres encore, nous devons changer d’attitude à l’égard des personnes porteuses de handicap et mettre en place des aménagements raisonnables dans l’environnement physique et organisationnel.
Point de vue du monde sur le handicap
Le monde considère que le coût de l’amélioration de notre attitude à l’égard des personnes porteuses de handicap et de la mise en œuvre d’aménagements raisonnables est supérieur au gain escompté de l’inclusion socioprofessionnelle de ces personnes. Ceci est conforme à la théorie des perspectives qui montre que les interactions entre la société et les personnes porteuses de handicap sont de mauvaise qualité car la société considère que cette catégorie de personnes n’a rien à donner. Cette position conduit à l’inaction, alors qu’en réalité, le coût d’un changement d’attitude à l’égard des personnes porteuses de handicap est nul. Les attentes de la société à l’égard des personnes porteuses de handicap sont faibles, ce qui conduit à leur exclusion. Ce faible niveau d’attentes ne reflète pas la réalité du niveau réel d’utilité des personnes porteuses de handicap. La recherche montre que, dans certaines circonstances, les compétences des personnes porteuses de handicap peuvent égaler ou dépasser celles des personnes qui n’en portent pas. Cependant, les compétences des personnes porteuses de handicap sont souvent entravées par les préjugés et la stigmatisation dont souffre cette catégorie de personnes.
Pour la plupart des gouvernements qui souhaitent accroître la participation des personnes porteuses de handicap, la solution passe par la promulgation de lois ou par des incitations financières. Les lois pourraient exiger ou encourager les acteurs à inclure des personnes porteuses de handicap. Cependant, l’histoire nous apprend que ces mesures prises par les dirigeants du monde ne sont souvent pas prises par amour pour les personnes porteuses de handicap. Ces contraintes ou mesures incitatives, qui ont commencé aux États-Unis vers les années 1970, sont la réponse aux pressions découlant des demandes des personnes porteuses de handicap elles-mêmes. Lorsque ces dernières restent silencieuses, rien n’est fait pour elles.
Responsabilité de l’Église
Si les responsables chrétiens adoptent le point de vue du monde sur le handicap, peu de choses seront faites pour permettre aux personnes porteuses de handicap de prendre part au festin du Seigneur et de participer pleinement à la mission de Dieu sur terre. L’Église a la responsabilité de montrer au monde le modèle de réconciliation et d’inclusion des personnes porteuses de handicap et non l’inverse. Nous sommes la lumière et le sel de la terre.
En tant que responsables chrétiens, devons-nous nous laisser influencer par la façon de voir du monde ou devons-nous embrasser le regard de Dieu sur le handicap ?
Dieu embrasse les personnes vulnérables et ne les rejette pas
Si Dieu avait considéré la vulnérabilité comme une menace, vous et moi ne serions pas ses enfants et les cohéritiers du Christ. C’est dans notre faiblesse que le Seigneur nous a cherchés pour nous donner le statut d’enfants de Dieu (Romain 5.6-8). Le Seigneur nous demande également d’inviter d’autres personnes porteuses de handicap (Luc 14.13).
Dieu voit dans la vulnérabilité une occasion de manifester sa gloire
Souvenons-nous des paroles de l’apôtre Paul : « Et il m’a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » (2 Corinthiens 12.9).
Le succès du service chrétien ne dépend pas de nos atouts physiques, intellectuels ou financiers
Seul Jésus-Christ nous fait porter un fruit qui demeure (Jean 15.4). C’est par l’Esprit Saint que nous pouvons accomplir sa mission (Zacharie 4.6). Il peut utiliser puissamment aussi les personnes porteuses de handicap pour mener à bien sa mission sur terre, grâce à leur appel et aux dons spirituels qu’il leur accorde.
Si les responsables chrétiens n’accueillent pas les personnes porteuses de handicap, ils s’éloignent de la perspective de Dieu sur le handicap et la vulnérabilité, comme le montrent les statistiques.
Réflexion
- Quelle est votre attitude de responsable chrétien vis-à-vis de ce qui est ou semble être faible, vulnérable ?
- Comment avez-vous décidé de traiter les personnes marginales, faibles, vulnérables et pauvres dans votre domaine de responsabilité ou d’influence ?
- La place que nous réservons aux personnes porteuses de handicap, pauvres et marginales dans nos institutions reflète-t-elle la qualité de notre amour agapé ?
Perspectives sur l’intégration des personnes porteuses de handicap
Celui qui veut mener des actions en faveur de l’inclusion des personnes porteuses de handicap doit adopter deux perspectives : la perspective normative et la perspective analytique.
La perspective normative consiste à se référer aux bonnes pratiques suggérées par les experts et à les mettre en œuvre dans sa propre institution, telles quelles ou avec des ajustements mineurs. Cette approche présente des avantages et des inconvénients.
Avantages
- Les bonnes pratiques proviennent souvent d’experts et ont déjà fait leurs preuves ailleurs ;
- Elles réduisent le coût de la recherche ;
- Elles peuvent être mises en œuvre rapidement.
Inconvénients
- Elles sont parfois déconnectées de la réalité contextuelle ;
- Une mauvaise compréhension, appropriation et implication de la part des acteurs locaux, qui peuvent affirmer qu’il s’agit d’injonctions venues d’ailleurs ;
- Une faible participation des personnes porteuses de handicap.
La perspective analytique implique la compréhension des situations contextuelles et l’élaboration de solutions contextuelles avec la participation des bénéficiaires. Cette perspective permet une forte appropriation des solutions développées par les parties prenantes, car elles considèrent qu’elles viennent d’elles-mêmes et intègrent au mieux leurs préoccupations. Cependant, leur mise en place peut nécessiter plus de temps, en plus du coût de la recherche et de l’inexpérience.
La réponse à la question de savoir ce que l’Église peut faire pour inclure les personnes porteuses de handicap exige également de se positionner par rapport au secteur d’intervention. L’intervention se concentrera-t-elle uniquement sur les aspects spirituels ou concernera-t-elle les autres enjeux auxquels cette catégorie de personnes est confrontée ? Par exemple, le manque d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la justice, aux transports, etc.3 Dans les pays à revenus élevés, les personnes soutenues par le système gouvernemental ont généralement accès aux aides nécessaires.4 Toutefois, certaines études montrent que dans les pays en développement, où vivent la majorité des personnes porteuses de handicap, c’est généralement la famille qui s’occupe d’elles. Comment l’Église entend-elle se positionner par rapport à cette question ? De l’avis des experts, l’aide aux personnes porteuses de handicap nécessite une approche holistique, et la mobilisation de plusieurs compétences. L’Église peut devenir un lieu de refuge pour les personnes porteuses de handicap, où des vies seront touchées par l’amour du Christ.ch intend to position itself regarding this question? In the opinion of experts, supporting people with disabilities requires a holistic approach, with several skills to mobilize. The church can become a place of refuge for people with disabilities, and lives will be touched by the love of Christ.
En adoptant la perspective normative, nous pouvons classer les bonnes pratiques à mettre en œuvre selon le modèle biopsychosocial de l’OMS5 et l’IOS6 qui se traduiront en actions sur l’individu, l’organisation et la société.
Actions recommandées
Voilà les actions que nous suggérons aux niveaux individuel, organisationnel et sociétal :
- Adoptez la perspective de Dieu, en considérant les personnes porteuses de handicap comme des collaborateurs et des co-bénéficiaires de la même grâce que tout le monde ;
- Cultivez l’amour agapē pour aller vers les personnes porteuses de handicap et les sortir de l’isolement, de l’éloignement du royaume de Dieu. En leur annonçant le message de l’Évangile, invitez-les à prendre part au festin du Seigneur ;
- Mettez-vous en quête de personnes porteuses de handicap pour les comprendre. Grâce aux méthodes de recherche qualitative, nous pouvons co-construire avec elles des solutions pour leur intégration dans les activités chrétiennes ;
- Avec humilité, laissez leur expérience de vie vous instruire au lieu de toujours les éviter ;
- Méfiez-vous des préjugés et soyez attentif(s) aux dons de l’Esprit Saint que le Seigneur peut accorder aux personnes porteuses de handicap ;
- Formez les membres et les responsables de l’Église au service auprès des personnes porteuses de handicap et à celui qu’elles exercent. L’Église devrait également réfléchir à comment équiper et former les personnes porteuses de handicap pour qu’elles puissent exercer leur ministère dans divers domaines. Il peut s’agir, par exemple, d’examiner comment l’Église peut les aider à accéder à des programmes de formation biblique et à des établissements d’enseignement supérieur biblique ;7
- Dave Deuel suggère que nous devons amener l’Église – le corps du Christ avec tout son engagement spirituel et ses bénédictions – aux personnes porteuses de handicap qui ne peuvent pas venir à l’église ;8
- Soulignez le rôle que les personnes porteuses de handicap peuvent jouer pour réconforter les membres de l’Église qui souffrent et dont le cœur est brisé ;
- La formation de responsables porteurs de handicap est une stratégie de multiplication durable et biblique ;9
- Sensibilisez les personnes porteuses de handicap au danger de l’autocensure en les invitant officiellement et joyeusement à participer au festin. Par exemple, en les invitant à manger ou à regarder un match de football avec vous, comme ce fut mon cas à Los Angeles, en Californie. Tendre la main aux personnes porteuses de handicap qui vivent dans l’isolement peut avoir un impact émotionnel sur l’autocensure ;
- Si la personne porteuse de handicap a besoin d’un équipement adapté pour se déplacer ou pratiquer l’activité que vous lui proposez, mettez-le à sa disposition ;
- Invitez la personne à l’église et posez-lui des questions sur comment vous et votre congrégation pourriez faire de sa visite une expérience positive.
Que l’amour de Dieu, par l’action de l’Esprit Saint, nous permette d’accepter son point de vue sur le handicap et la faiblesse, et nous aide à aller de l’avant vers les personnes porteuses de handicap, pour leur donner accès au festin du Seigneur. Elles aussi sont invitées. Incluons-les dans sa mission jusqu’aux extrémités de la terre.the Holy Spirit, allow us to accept his perspective on disability and weakness, and help us move forward towards people with disabilities, to give them access to the Lord’s banquet. They are also invited. And let’s include them in his mission to the ends of the earth.
Notes
- Editor’s Note: This article is based on the author’s presentation at the Fourth Lausanne Congress.
- ‘World Report on Disability 2011’, World Health Organization, accessed 8 October 2024, https://www.who.int/teams/noncommunicable-diseases/sensory-functions-disability-and-rehabilitation/world-report-on-disability.
- ‘Driving down the Extra Costs Disabled People Face: Final Report’, Extra Costs Commission, accessed 8 October 2024, https://assets-eu-01.kc-usercontent.com/73ea709e-f9f8-0168-3842-ebd7ad1e23ac/ca5ea908-a558-4aae-9e9d-d07990ee08c7/2015%20Extra%20Costs%20final%20report.pdf%23search%3Dextra%20costs%20commission.pdf.
- ‘Ministries of People with Disabilities: ‘All in’, Lausanne Occasional Paper, https://lausanne.org/occasional-paper/disability-concerns-lop-69.
- Organisation Mondiale de la Santé and Banque Mondiale, ‘Rapport Mondial Sur Le Handicap’, (Geneva, 2012),
- Daniel Kyungu, ‘Insertion Socioprofessionnelle Des Personnes En Situation de Handicap: Diagnostic et Pistes d’action’ (translated into English by author: ‘Socio-professional integration of people with disabilities: diagnosis and courses of action’), (Université de Liège, 2022),
- ‘Ministries of People with Disabilities: ‘All in’,’ Lausanne Occasional Paper.
- Dave Deuel, ‘Taking Church to People with Disabilities,’ in Lausanne Global Analysis, March 2023,
- Dave Deuel, ‘Developing Young Leaders with Disabilities,’ in Lausanne Global Analysis, January 2016,