Une crise sonne l’alarme
« Désolé d’apporter de mauvaises nouvelles, Joe. Ron a fait un AVC. » Ron McMahon, président d’A3 (organisation anciennement connue sous le nom de Asian Access), était dans la soixantaine. Ron a survécu à l’AVC, mais il est clair que sa vie active a été en grande partie amputée.
Cet incident tragique m’a (Joe) alerté, car si nous avions heureusement quelqu’un qui attendait en coulisses pour prendre la relève et assurer la présidence, nous n’étions pas préparés à l’éventualité que quelque chose arrive à d’autres. Cette nouvelle prise de conscience a donné lieu à un parcours qui a permis d’aller de l’avant et de préparer d’autres dirigeants clés pour attendre en coulisses.[1]
Une étape de ce parcours a consisté à demander à l’un de mes mentors, un président d’université, de m’aider à réfléchir aux moyens de planifier l’avenir. Il m’a expliqué son système : Chaque année, il remet six noms au président de son conseil d’administration, dont trois sont des personnes extérieures à l’université. Il les appelle chaque année pour leur demander s’elles sont prêtes à se porter candidats au cas où il lui arriverait quelque chose. Ce groupe n’est pas immuable et peux évoluer, en fonction des circonstances de l’année.
Dans le même temps, il aborde trois jeunes dirigeants. « Vous semblez en mesure de faire mon travail un jour, leur dit-il. Cela vous intéresserait-il de cheminer avec moi pour nous instruire mutuellement ? » Chaque année, ces trois noms sont également transmis à la présidence.
Cela fait plusieurs années maintenant que j’ai adopté le modèle de mon mentor et il y a aujourd’hui cinq à sept personnes avec qui je communique trimestriellement et qui pourraient un jour devenir président de notre mission, occuper d’autres postes de direction ou diriger une autre ONG. Alors, quand, il y a quelques années, le groupe des jeunes leaders de Lausanne a demandé des mentors, je me suis proposé et le Seigneur m’a donné de vivre de riches relations et de formidables opportunités d’apprentissage.[2]
Un défi de plus en plus pressant
Un changement indéniable est en cours au sein de la jeune génération. Dans un monde où la vie est saturée par les médias sociaux et où la valeur d’une personne est mesurée en « j’aime » et « vues », un changement s’est opéré dans la vision que l’on a de soi, de ses objectifs et de sa compréhension de notre monde. Les médias sociaux font la promotion d’un mode de vie apparemment parfait, parce qu’il ne présente que les moments forts et les réussites, et ne montre que rarement les aspects réels et difficiles de la vie et de la carrière.
Alors que les Millenniaux et la génération Z (Gen Z) constituent la génération la plus avancée technologiquement et la plus connectée virtuellement que le monde ait jamais connue, la recherche révèle que la jeune génération a besoin de notre aide et de notre attention, et qu’elle se sent désespérément perdue et seule.
Le Dr. Sam Kim, qui a mené des études approfondies sur l’épidémie de solitude dans la société actuelle, souligne que la génération Z est aujourd’hui la génération la plus solitaire de l’histoire.[3] Il cite une étude menée par l’université de Californie à Los Angeles, qui montre que les membres de la génération Z sont ceux qui se placent tout en haut sur l’échelle de la solitude. La pandémie a exacerbé ces sentiments de solitude, en isolant les gens et en accentuant la rupture des interactions sociales.
L’étude Signa révèle que les membres de la génération Z ont rarement une interaction sociale significative au cours de la semaine. Le suicide affiche des tendances alarmantes (en hausse de 33 % au cours des 23 dernières années) et l’incidence des maladies mentales telles que la dépression et l’anxiété augmente rapidement [4]. Selon l’OMS, 51 % de la population est aujourd’hui confrontée à des problèmes de santé mentale.[5]
La vie et les affaires se déroulent à un rythme effréné, ne laissant que peu de temps pour les relations humaines. Le marché du travail exigeant de plus en plus de compétences et de rapidité, il semble impossible de suivre le rythme. Les modes de vie « parfaits », affichés dans les médias sociaux, ne font qu’ajouter à ce phénomène. La pandémie mondiale et l’incertitude économique qui en a découlé ont amplifié une atmosphère déjà empoisonnée. Nous nous retrouvons avec des générations qui ont faim d’amour, de connexion et de contact humain.
Partout dans le monde, les jeunes générations prennent leurs distances d’avec la communauté ecclésiale. L’augmentation du coût de la vie les oblige à plus d’heures de travail, ce qui ne leur laisse que peu de temps pour s’engager dans l’Église. De plus, les cultures des jeunes générations, qui évoluent et changent rapidement, peinent à trouver un terrain d’entente avec la culture ecclésiale existante.
La culture ecclésiale classique semble moins tolérante et moins bienveillante à l’égard des besoins et des difficultés de la jeune génération, ce qui a pour conséquence que toute une génération a perdu confiance dans l’Église. Les tentatives de l’Église pour attirer la jeune génération en son sein échouent parce qu’elle n’est pas prête ou qu’elle n’a pas la volonté de former intentionnellement des disciples et des mentors sur une base individuelle – ce dont cette génération a désespérément besoin et à quoi elle aspire.
Une immense opportunité
La situation actuelle présente à la fois des défis importants et des opportunités considérables. Bien que ces générations soient parmi les plus solitaires et les plus déprimées, et qu’elles aient d’énormes besoins en matière de santé mentale, elles regorgent de potentiel.
Les Milléniaux et les membres de la génération Z sont motivés par de bonnes causes. Ce qui brise le cœur de Dieu, brise aussi le leur. Ils aspirent à la justice et à l’équité dans le monde et veulent s’attaquer aux grands problèmes de la société. En outre, grâce à l’accès à l’internet et à une pléthore d’informations, cette génération est très instruite et bien informée.
Les Milléniaux et les membres de la génération Z ont des connaissances à la fois vastes et approfondies. Ils sont désireux de s’engager dans des carrières qui correspondent à leurs passions, plutôt que d’être enfermés dans un emploi de bureau routinier. Leur cœur est tourné vers le bénévolat, la communauté et la philanthropie.
L’Église est face à l’énorme opportunité d’exploiter ce potentiel et de former ces cœurs pour qu’ils s’alignent sur l’Évangile et les causes du Royaume. Elle doit être simplement disponible pour fournir des connexions significatives et un mentorat intentionnel. Le plus grand cadeau que l’Église puisse offrir à une génération affamée de liens humains, c’est la relation. Comme le souligne le Dr. Sam Kim : « nous n’avons pas besoin de dispositifs missiologiques plus innovants ou plus cool pour atteindre la jeune génération – ce dont nous avons besoin, c’est de revenir à la simplicité. »[6]
Une communauté authentique : exemples tirés des Écritures
Quand on pense aux récits bibliques, la relation entre Moïse et Josué nous vient à l’esprit. Moïse marche avec Dieu, mais le peuple qu’il dirige est enclin à l’errance. C’est un peuple entêté qui suit les dieux des voisins. Diriger les Israélites demande beaucoup d’énergie et d’attention. Pourtant, nous voyons Moïse prendre intentionnellement le temps d’investir dans Josué, son protégé. Josué, pour sa part, semble désireux d’écouter et de diriger. Observez le déroulement de la relation dans Exode 17.8-16 (voir aussi Exode 24, en particulier le verset 13, et dans Exode 33, notez le verset 11).
Jésus s’est de même efforcé d’offrir à ses disciples une relation significative et un accompagnement spirituel. C’est particulièrement vrai pour Pierre, Jacques et Jean. Jésus les a invités à faire l’expérience de son ministère et de la puissance de Dieu à l’œuvre à travers lui (par exemple en ressuscitant la fille de Jaïrus). Il les a invités à assister à sa transfiguration sur la montagne et à partager son moment de vulnérabilité devant Dieu dans le jardin de Gethsémané. Il a montré à ses disciples ce que signifiait se connecter à Dieu, être vulnérable devant lui et mettre en évidence la puissance de Dieu à l’œuvre par des signes et des prodiges.
Moïse et Jésus savaient tous deux qu’ils ne seraient pas là pour toujours. Ils savaient qu’ils devaient préparer une nouvelle génération qui poursuivrait l’œuvre de Dieu. Mais surtout, ils étaient conscients de la nécessité d’enseigner à cette génération comment se connecter à Dieu et vivre une relation engagée et radicale avec lui. S’ils ont passé du temps avec leurs protégés, ce n’est pas simplement pour leur donner un coup de main, c’est parce qu’ils se souciaient de faire progresser l’œuvre de Dieu. Ils se souciaient de préparer convenablement la génération suivante à récolter les fruits de l’avenir.
Nous devons former les Milléniaux et la génération Z intentionnellement. Si nous ne le faisons pas, nous laisserons derrière nous une génération qui pourra accomplir beaucoup de bien dans le monde, mais qui ne connaîtra jamais Dieu parce qu’on ne lui aura jamais appris à se connecter à lui.
De génération en génération
Avec le soutien de leur équipe dirigeante, les Jeunes Professionnels de l’A3 ont lancé un programme de discipulat et de mentorat. Ayant remarqué que de plus en plus de jeunes sont attirés à appliquer les dons qu’ils ont reçus de Dieu dans l’arène professionnelle, nous avons conçu un programme qui offre les outils nécessaires pour permettre à ces jeunes professionnels d’être des témoins efficaces dans leur sphère d’influence.
Ce programme encourage les jeunes professionnels à vivre une communion chrétienne étroite, avec la possibilité de discuter des expériences et des défis qui leur sont communs sur le lieu de travail. Comme Moïse l’a fait avec Josué, nous guidons ces jeunes professionnels pour qu’ils développent une relation radicale d’amour pour Dieu, pour qu’ils sachent ce que c’est que d’être en communion étroite et constante avec lui. En même temps, nous leur donnons les moyens d’être des témoins efficaces et de puissants agents de changement dans le monde du travail.
Lorsque ces jeunes professionnels commencent à prendre conscience et à expérimenter que le ministère ne se limite pas aux quatre murs de l’église, que leur champ de mission se trouve là où ils travaillent, leur compréhension de Dieu, d’eux-mêmes et de leur vocation subit un changement radical.
Comment développer et maintenir un environnement de modélisation et de mentorat ?
Voici quelques-uns des principaux attributs que nous cherchons à modeler pour les jeunes dirigeants :
- Montrer l’exemple ;
- Parler avec les autres, les écouter, apprendre à se connaître réellement ;
- Offrir un environnement stimulant (à la fois collaboratif et créatif) ;
- Respecter leur compréhension ;
- Fournir des conseils pour parvenir à plus de raison d’être et de sens ;
- Être un coach ;
- Tirer parti de la technologie – apprécier la capacité à faire plusieurs choses à la fois et apprendre à le faire bien ;
- Favoriser une culture de l’innovation ;
- Soutenir la passion pour la responsabilité sociale et l’esprit d’entreprise ;
- Apprécier l’univers de l’autre ;
- Expliquer le « pourquoi » des décisions et de la stratégie ;
- Promouvoir un environnement ouvert, honnête, authentique, direct et transparent ;
- S’adapter aux styles de travail et aux espaces de travail ouverts ;
- Accueillir la différence, les motivations et les attitudes ;
- Faire des retours d’information réguliers et permettre à chacun de s’exprimer.
Rejoignez-nous
Nous vous invitons à nous rejoindre pour apprendre les uns des autres et pour apprendre ensemble, vous les dirigeants plus âgés tout autant que vous les plus jeunes. Les principes que nous essayons de vivre et d’appliquer sont tirés des Écritures et des meilleures pratiques pour participer au développement d’autres personnes.
Endnotes
- Voir le rapport de l’appel à l’écoute de Lausanne qui souligne l’importance de recruter la génération suivante : ‘Engaging an Emerging Generation of Global Mission Leaders’ by Nana Yaw Offei Awuku in the November 2016 issue of Lausanne Global Analysis, https://www.lausanne.org/content/lga/2016-11/engaging-an-emerging-generation-of-global-mission-leaders.
- Note de la rédaction: Voir l’article intitulé « Faire participer les jeunes générations au travail de l’Église : des attentes décalées pour un passage de témoin » par Victor Lee, https://lausanne.org/fr/mediatheque/laml/2023-01-fr/faire-participer-les-jeunes-generations-au-travail-de-leglise.
- Sam Kim, ‘A Historic Gospel Opportunity: Why loneliness reminds us that we all need God’, Seminary Now, https://seminarynow.com/pages/blog?p=a-historic-gospel-opportunity.
- ‘2018 Cigna U.S. Loneliness Index’, Cigna, accessed September 19, 2023, https://www.multivu.com/players/English/8294451-cigna-us-loneliness-survey/docs/IndexReport_1524069371598-173525450.pdf.
- Kessler RC, Angermeyer M, Anthony JC, et al. ‘Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of mental disorders in the World Health Organization’s World Mental Health Survey Initiative’, World Psychiatry, 2007 6(3): 168-176. See also: CDC About Mental Health – https://www.cdc.gov/mentalhealth/learn/index.htm#print.
- Sam Kim, ‘A Historic Gospel Opportunity: Why loneliness reminds us that we all need God’, Seminary Now, 9 January 2023, https://seminarynow.com/pages/blog?p=a-historic-gospel-opportunity.