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Notre compréhension des missions mondiales peut être à la fois horizontale et verticale. La dimension horizontale comprend le monde selon les frontières géographiques, ethniques et socioculturelles. La dimension verticale permet de voir le monde selon les différentes générations. Or la manière traditionnelle de concevoir la mission mondiale est trop orientée horizontalement.

Comprendre les nouvelles générations est un élément essentiel pour une véritable pensée missionnaire dans ce monde en mutation rapide. La plus jeune de ces générations est aujourd’hui celle qu’on appelle la Génération Z, dont les membres les plus âgés ont déjà terminé leur éducation formelle et travaillent dans différents secteurs de la société. Mais qui fait partie de cette génération Z ? À quoi ressemblent-ils ? Et, surtout,comment les atteindre avec l’Évangile ?

Comprendre les nouvelles générations est un élément essentiel pour une véritable pensée missionnaire dans ce monde en mutation rapide.

Qui sont-ils ?

Définir les groupes sociétaux en fonction de l’année de naissance permet de retracer les caractéristiques distinctives des différentes générations. Bien que la norme de séparation des générations n’ait jamais été clairement définie par la recherche empirique en général, aux États-Unis les cas sont plus clairement définis et vérifiés qu’ailleurs.

Dans une étude du paysage religieux réalisée en 2014 par le Pew Research Center, les États-Unis distinguent les générations comme suit : génération Grandiose (née avant 1928), génération Silencieuse (née entre 1928 et 1945), Baby boomers (nés entre 1946 et 1964), génération X (née entre 1965 et 1980) et la génération pré et post Millénaire (née entre 1981 et 1996). Les Millénaires[1] sont également appelés génération Y. La génération Z est la génération qui succède à la génération Y et compte ceux qui sont nés approximativement entre 1995 et 2010.[2] Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), depuis 2019, la génération Z représente plus de 30 % de la population mondiale et compte plus de 2 milliards d’individus. Plus de la moitié de la population mondiale est soit Millénaire, soit de la génération Z, ce qui dépasse de loin les proportions de la génération X et des baby-boomers, chacune inférieure à 20 %. Cela signifie que les nouvelles générations sont les générations majoritaires dans le monde.

La génération Z est en train de devenir la nouvelle population active dans la société. Dans de nombreux pays, ses membres participent à la prise de décisions importantes sur leur lieu de travail et à leur domicile. En Corée du Sud, ils représentent 21,7 % des consommateurs et si on leur associe les Millénaires ils sont 43,9 % des consommateurs.[3] Aux États-Unis, on prévoit que la génération Z représentera à elle seule 40 % des consommateurs.[4] De plus, dans les médias sociaux, la génération Z est de plus en plus souvent mentionnée ces dernières années. Une analyse des données a montré une augmentation de 40 % des commentaires sur la génération Z en Corée du Sud au quatrième trimestre 2017.[5] Les membres de la génération Z préfèrent, en outre, les médias multi-sensoriels aux médias traditionnels. En Corée du Sud, par exemple, c’est la génération Z qui fournit la proportion la plus élevée d’utilisateurs de vidéo à la demande (VOD).[6] La participation et l’influence sociale de la génération Z ne cessent de croître dans le monde entier. On observe que la prochaine génération de leaders dans la population active émanera de la Génération Z, et cela plus tôt que beaucoup ne le pensaient.[7]

La génération Z est probablement la dernière « génération » du monde.[8] Après elle, les changements socioculturels rapides qui contribuent à l’hétérogénéisation des groupes sociaux rendront impossible la catégorisation d’une génération présentant des caractéristiques homogènes.

À quoi ressemblent-ils ?

Les générations Y et Z présentent à la fois des similitudes et des différences. Elles ont de nombreuses caractéristiques communes car il n’y a pas de grande différence d’âge entre elles. Mais, ayant été élevées par des parents de générations et d’époques différentes, elles présentent également des différences importantes dans leurs caractéristiques culturelles et leur mode de vie.

L’exposition précoce de la génération Z à la technologie moderne a façonné sa vision du monde et son mode de vie. La plupart de ses membres ont grandi avec le smartphone et les médias sociaux. Ils sont donc beaucoup plus avertis sur le plan technologique et généralement plus capables de faire plusieurs choses à la fois que ne l’étaient les générations précédentes. Dans une enquête conjointe de l’IBM Institute for Business Value et la National Retail Federation aux États-Unis, 66 % des sondés de la génération Z ont déclaré utiliser souvent deux ou plusieurs appareils simultanément.[9] Les membres de la génération Z sont nés à la même époque que certaines de leurs marques préférées — Google (1998), iTunes (2003), Twitter (2006), Uber (2009), Instagram (2010) — et ont grandi comme « natifs du numérique ».[10]

L’exposition précoce de la génération Z à la technologie moderne a façonné sa vision du monde et son mode de vie. La génération Z a tendance à être très autonome

D’un autre côté, la génération Z a tendance à être très autonome, elle se montre plus indépendante que la génération Millénaire, tout en étant plus dépendante que les générations précédentes. Elle est donc capable d’être à la fois indépendante et coopérative. Cela est dû en partie au fait que, dans l’ensemble, la génération Z a été élevée par la génération X, qui avait appris à ne pas devenir ce que James Emery White appelle les « parents hélicoptères ».[11] Une grande partie de la génération Z a grandi dans des familles où les deux parents travaillaient et avaient moins de temps que les générations précédentes pour s’occuper de leurs enfants, ce qui les a rendus moins protecteurs que les parents des Millénaires.

Les crises financières nationales et internationales vécues par la génération Z pendant leur enfance et leur adolescence constituent un autre facteur qui a façonne cette génération. En Corée, la plupart des familles de la génération Z ont souffert deux graves crises financières : d’abord, la crise financière asiatique qui a débuté en 1997 ; et ensuite, la Grande Récession qui a débuté en 2007. L’impact de cette dernière a été mondial. Cette expérience est probablement l’une des raisons qui expliquent pourquoi tant de membres de la génération Z sont si anxieux et déprimés. Ils grandissent également à un rythme plus rapide que les générations précédentes. Les mécanismes d’adaptation de la génération Z ont conduit à leur fort sentiment d’indépendance et à leur esprit d’entreprise.[12]

Les valeurs, et l’engagement authentique qui en découle, sont importants pour les membres de la génération Z. Ils aiment travailler pour et avec des personnes et des organisations qui partagent les mêmes valeurs. La protection de l’environnement et l’engagement éthique sont tous deux au cœur de nombre de ces valeurs. Ainsi, pour être entendu par la génération Z, nous devons faire preuve d’un engagement envers de telles valeurs.

Comment peut-on les atteindre avec l’Évangile ?

La génération Z est la première génération post-chrétienne, élevée dans un contexte post-chrétien, surtout dans de nombreux pays occidentaux. Ses membres ne semblent pas devenir plus pratiquants avec l’âge, et le schéma général (du moins aux États-Unis) est donc que plus la génération est jeune, plus elle est post-chrétienne.[13] Alors comment pouvons-nous porter l’Évangile à la génération Z ?

Pour atteindre cette génération post-chrétienne, une exégèse de sa vision du monde est nécessaire. Une caractéristique essentielle de la vision du monde de la génération Z est le scientisme : croire qu’il est impossible de savoir quelque chose de manière adéquate si ce n’est pas prouvé scientifiquement. Pour cette génération, le scientisme n’est même pas un argument qu’on avance, il va de soi.[14] Toutefois, leur orientation scientifique ne nie pas le surnaturel, ce qui, selon J. White, conduit à la possibilité d’intégrer la science et le surnaturel comme une approche apologétique pour aborder la Génération Z.[15] La génération Z a besoin d’une vision du monde mature et riche qui explique les raisons de la foi : pourquoi je crois ce que je crois. La structure de plausibilité de la génération Z se caractérise par son engagement en faveur de la diversité et son ouverture aux interprétations multiples. Ainsi, évoquer la vérité du caractère unique du Christ en abordant la génération Z exige une grande sensibilité qui distingue les normes ontologiques des considérations épistémologiques.

La génération Z est la première génération post-chrétienne, élevée dans un contexte post-chrétien.

Une relation authentique est importante pour une présentation de l’Évangile à partir d’une vision du monde. Pour engager une conversation sur le Christ avec la génération Z, il faut établir des relations authentiques basées sur la confiance et l’empathie, car cette génération a soif de vraies relations. La génération Z doit apprendre la vision biblique du monde en la pratiquant, en prenant exemple sur quelqu’un qui l’aime. La génération Z est également très orientée sur le visuel et l’information ; elle consomme des connaissances sur le monde par le biais de YouTube, Netflix et d’autres médias qu’elle trouve visuellement captivants. Par conséquent, l’évangélisation nécessitera des moyens et des styles de communication nouveaux ainsi que de nouveaux contenus, qui tiennent compte du style d’apprentissage numérique de la génération Z, lui-même basé sur l’expérimentation multisensorielle.[16]

Afin de maximiser l’apprentissage, nous devons saisir les nuances des apprenants de la génération Z et concevoir une expérience appropriée et efficace pour eux. La génération Z a besoin de se situer au cœur du processus d’apprentissage, en tant que participant et non pas seulement en tant qu’observateur. Enfin, le cadre de l’apprentissage est important. L’espace d’apprentissage doit être calme, propre, organisé et confortable.[17] La génération Z doit pouvoir jouir de la liberté de se déplacer, de déambuler, de manger et de boire, tout en écoutant.

Et alors ?

Pour porter l’Évangile à la génération Z, nous devons faire des efforts conscients pour être culturellement pertinents. Pour cela, nous devons nous rappeler trois points concrets.

Tout d’abord, nous devons investir du temps et de l’énergie pour mieux connaître la génération Z. Nous devons jouer à l’ethnographe pour les connaître de première main par la pratique de l’observation des participants et des entretiens ethnographiques. Nous avons besoin de descriptions impartiales avant de porter un quelconque jugement, en maintenant un sens d’équilibre entre les points de vue des initiés et ceux de l’extérieur.

Deuxièmement, nous devons inviter les membres de la génération Z à faire partie de nos groupes et de nos équipes afin de bénéficier de leurs compétences et de leur expertise. Nous devons apprécier leurs questions et leurs suggestions. Il convient parfois d’organiser des séances de mentorat inversé, afin de glaner un peu de leur sagesse et de leur perspicacité. En outre, une bonne stratégie sera d’engager délibérément des membres de la génération Z pour faire partie de notre personnel. Ils ont beaucoup de potentiel pour devenir, à l’avenir, des collègues et des leaders compétents.

Troisièmement, nous devons profondément contextualiser nos programmes, messages et environnements pour les rendre pertinents pour la génération Z qui nous entoure. Nous devons créer une atmosphère confortable, conviviale et chaleureuse, adaptée à ce qu’elle préfère. Nous devons communiquer ce que nous considérons comme des messages bibliques éternels et importants pour répondre aux « questions existentielles » laissées sans réponse dans leur cœur.

« Dans mes relations avec ceux qui sont faibles, je partage leur faiblesse, parce que je veux conduire les faibles au Christ. J’essaie de trouver un terrain d’entente avec chacun, en faisant tout ce que je peux pour en sauver certains. Je fais tout pour répandre la Bonne Nouvelle et partager ses bienfaits. » (1 Corinthiens 9:22-23, traduction libre de la version anglaise citée (NLT).

Notes

  1. Editor’s note: See article by Steve Steddom and Thomas Harvey, entitled ‘The Millenials’, in November 2014 issue of Lausanne Global Analysis, https://lausanne.org/content/lga/2014-11/the-millennials
  2. Il existe différentes définitions de la génération Z en fonction de leur année de naissance. Certains, comme le rapport du groupe Barna, définissent 1999 comme l’année de départ, tandis que d’autres, dont James Emery White, la définissent comme commençant vers 1995 et se terminant vers 2010. Voir Barna Group & Impact 360 Institute, Gen Z: The culture, beliefs and motivations shaping the next generation (2018), 10 and James Emery White, Meet Generation Z: Understanding and reaching the new post-Christian World (Grand Rapids: Baker Books, 2017), 38. Ce manque de précision dans la définition est compréhensible quand on prend en compte les différents contextes historiques des différents pays. Nous pouvons également déterminer quelle sera la dernière année de naissance de cette génération ; pour cela, il suffit d’avoir observé comment les personnes nées plus récemment montrent des caractéristiques différentes. Dans cet article, la génération Z est définie comme celle qui est née entre 1995 et 2010.
  3. Samjong KPMG, Samjong Insight Vol. 66 (2019), 3, https://home.kpmg/content/dam/kpmg/kr/pdf/2019/kr-insight66-lifestyle-trends-20190430.pdf
  4. Mark Beal, Decoding Gen Z: 101 Lessons Generation Z will teach corporate America, marketers & media (New Jersey: Mark Beal Media, LLC, 2018), 2.
  5. Geunjoo Lee & Sungkong Park, ‘Social big data ro bon Z sedae’, Card Business Brief (BC Card Digital Research Institute, 2018).
  6. Jihyung Shin, ‘Millenial sedae wa z sedae media iyong’ ?, KISDI STAT Report Vol 19, No. 03 (15. 02. 2019).
  7. Richard Dool, How Generation Z wants to be led (America: Richard Dool, 2019), 141.
  8. James Emery White, Meet Generation Z: Understanding and reaching the new post-Christian World (Grand Rapids: Baker Books, 2017), 38-39.
  9. IBM Institute for Business Value & National Retail Federation. Uilmuihan z sedae (2017).
  10. Beal, Decoding Gen Z, 1.
  11. White, Meet Generation Z, 51. N.d.T. : Le terme « parent hélicoptère » désigne au Canada et aux États-Unis un parent qui « plane » au-dessus de son enfant pour le diriger vers le « meilleur » avenir qui soit, ou encore qui vole à son secours dès qu’un problème se présente.
  12. Ibid., 40.
  13. Pew Research Center, ‘2014 Religious Landscape Study’; Barna Group & Impact 360 Institute, Gen Z; White, Meet Generation Z, 49.
  14. Barna Group & Impact 360 Institute, Gen Z, 100.
  15. White, Meet Generation Z, 143.
  16. Ibid., 118-119, 126.
  17. Ibid., 46-49.

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Steve Sang-Cheol Moon est un missiologue coréen, fondateur et directeur général de l’Institut Charis d’études interculturelles (www.ciis.kr). Son principal ministère est d’organiser la recherche sur les missions dans le monde entier. Il enseigne occasionnellement la missiologie dans plusieurs universités et séminaires chrétiens à travers le monde. Il est membre du comité consultatif éditorial de l’AGL.