Global Analysis

Leçons de 10 années d’Analyse mondiale du Mouvement de Lausanne

comprendre notre temps et ce que nous sommes appelés à faire

Doug Birdsall, David Taylor & Loun Ling Lee Nov 2022

L’Analyse mondiale du Mouvement de Lausanne (AML) a été lancée il y a dix ans[1] suite au Troisième Congrès de Lausanne pour l’évangélisation du monde, encore appelé Cape Town 2010. Sa raison d’être était d’affermir la vision du Mouvement de Lausanne – « Toute l’Église apporte l’Évangile dans sa totalité au monde entier » – par le biais d’une stratégie audacieuse façonnée par une réflexion missiologique, culturelle et théologique.

Deux branches importantes du Mouvement de Lausanne, le Groupe de travail sur la théologie et le Groupe de travail sur la stratégie, reflètent les priorités que partageaient les deux grands hommes que Dieu a utilisés pour lancer et façonner le mouvement : Billy Graham, un stratège et l’un des évangélistes les plus influents que le monde ait connu, et John Stott, un théologien, auteur prolifique et prédicateur.

Billy Graham et John Stott croyaient tous deux que toute réflexion théologique doit trouver son expression dans l’activité missionnaire et que toute action missionnaire doit être fondée théologiquement. Les deux aspects sont indissociables.

Genèse

L’idée à la base de l’AML était d’offrir une sorte de « table ronde mondiale » où des participants clés du congrès du Cap pourraient poursuivre leurs conversations une fois à nouveau dispersés. Il s’agissait d’aider à traduire en progrès missionnaires transformationnels la vision et les priorités du Congrès, telles qu’elles sont exprimées dans L’Engagement du Cap[2].

Dans notre monde polycentrique, les partenaires de la conversation AML devaient être répartis en trois cercles de leadership et d’influence :

1

Les catalyseurs mondiaux du Mouvement de Lausanne et leurs réseaux de collaborateurs missionnaires, rassemblés en fonction de leurs compétences sur l’un des engagements du document issu du Congrès ;

2

Les douze directeurs régionaux du Mouvement de Lausanne, dans le but d’apporter une perspective régionale sur les sujets mondiaux. Ils devaient en outre aider à diffuser les informations, les analyses et la stratégie pratique aux praticiens de leurs régions respectives ;

3

Les Groupes de travail sur la théologie et sur la stratégie, dont la vocation était de veiller à ce que les personnes très motivées engagées dans l’action, et qui souvent élaborent de grands plans avec un sentiment d’urgence, mettent en œuvre leur stratégie d’une façon caractérisée par la fidélité biblique et l’intégrité théologique.

Deux organisations mondiales, basées toutes deux à Oxford, au Royaume-Uni, ont joué un rôle majeur dans le développement de l’AML :

L’Oxford Centre for Mission Studies (OCMS – Centre d’Oxford pour les études missionnaires) est l’organisation dans laquelle j’ai moi-même (Doug) été engagé dans la recherche doctorale pendant tout le temps de ma présidence du Mouvement de Lausanne. Les séminaires hebdomadaires de recherche qui réunissaient des doctorants venus de tous les coins du monde ont été le cadre de discussions sur les sujets missionnaires parmi les plus rigoureuses et polémiques, mais toujours enrichissantes, que j’ai connues. Comme centre de recherche, il penchait naturellement vers le côté théorique de l’équation.

Oxford Analytica est un cabinet-conseil fondé par David Young. Son postulat de travail est que de bonnes gens prennent de bonnes décisions quand ils ont les bonnes informations, et qu’à l’inverse, de bonnes gens prennent de mauvaises décisions quand les informations dont ils disposent sont médiocres ou inadéquates. Oxford Analytica fait travailler des spécialistes du monde entier dans les domaines de l’économie, de l’histoire et de la politique pour fournir quotidiennement une analyse des sujets nationaux, régionaux et mondiaux clés, qui aide les décideurs à comprendre leur signification et leurs implications. Le travail fourni par Oxford Analytica permet de traduire la réflexion du monde universitaire en action dans le monde réel des affaires et de gouvernement, où les décisions importantes doivent être prises en temps réel.

Les responsables de mission, comme ceux des gouvernements et des affaires, ploient sous les informations. Le cycle 24/7 des informations peut nous ensevelir sous les renseignements et les données. L’AML est conçue pour fournir une analyse en profondeur associée à une largeur de perspective mondiale dans le but d’aider les responsables d’Église et de mission à prendre des décisions stratégiques avec l’assurance d’être bien informés sur le plan mondial, stratégique et théologique. Avec l’AML nous avons cherché à imiter les hommes d’Issacar qui « savaient discerner les temps (analyse, réflexion, théologie) pour savoir ce que devait faire Israël (stratégie, engagement, pratique) ».

Particularités de l’AML

Au cours de nos premières discussions, nous avons étudié plus en détail l’objectif spécifique souhaité pour l’AML : fournir des analyses, des informations et des éclairages stratégiques et crédibles à partir d’un réseau international d’analystes évangéliques, afin que les responsables chrétiens soient équipés pour leur tâche d’évangélisation du monde.

En d’autres termes, nous nous disposions à aider ces responsables à mieux faire leur travail et à faciliter leur prise de décision, en leur fournissant l’analyse des tendances et développements actuels et futurs qui affecteraient leurs opérations. Et même dans le cas d’articles émanant d’un contexte particulier, nous demandions à l’auteur d’envisager les implications pour un lectorat mondial.

Nous avons à partir de là mis au point un modus operandi et un style éditorial distinctifs qui nous ont été très utiles pendant les dix dernières années. En voici quelques caractéristiques clés :

  • Produire un journalisme analytique de haut niveau et non des articles universitaires ;
  • Avoir constamment le souci du lecteur, notamment celui qui ne lit pas les articles dans sa langue maternelle ;
  • Solliciter périodiquement les commentaires des lecteurs ;
  • Utiliser une rédaction claire et concise, en phrases courtes, à la voix active et en évitant un style intellectuel ;
  • Respecter une longueur d’article concise (habituellement, environ1 800 mots au maximum) pour convenir à des lecteurs pressés ;
  • Se concentrer sur les réponses aux questions clés des lecteurs : Que se passe-t-il ? Pourquoi cela se produit-t-il ? Pourquoi est-ce important ? Qu’arrivera-t-il ensuite et pourquoi ? Quelle est la perspective à long terme ? Quelles sont les implications pour les politiques à adopter ? Comment cela affectera-t-il mes opérations (celles de notre public) ? Existe-t-il une quelconque réponse possible ?
  • Veiller à ce que les articles soient aussi prospectifs et aussi audacieux que possible dans leurs prédictions, tout en restant rigoureux ;
  • Outre l’édition en anglais faire en sorte que les articles soient traduits lorsque les ressources le permettent (l’AML est aujourd’hui disponible en portugais, espagnol, français et coréen) ;
  • Améliorer la mise en page et la conception, et fournir des infographies, etc., à mesure que les ressources le permettent.

Un élément clé a été le rôle de notre Comité éditorial consultatif, dont les membres nous ont donné de bons conseils, des idées d’articles et l’accès à leurs réseaux d’auteurs potentiels. Représentants de l’Église mondiale, ils ont aussi aidé à faire en sorte que notre objectif reste mondial et que nous ne laissions aucune région ou sujet de côté, ni ne tombions dans le piège d’une perspective ou d’un axe trop occidental. Dès le début, notre priorité a été de parvenir à une diversité des membres du comité et des auteurs contributeurs.

L’une des grandes questions que nous avons débattues au cours des années est celle de l’équilibre des articles de l’AML entre les sujets « externes » (l’impact sur la mission et le service chrétien de certaines tendances ou événements majeurs survenus dans le monde) et les articles « internes » centrés sur les nouveaux développements ou les nouvelles réflexions au sujet du service chrétien et de la mission émanant de l’intérieur du Corps du Christ. Lors de sondages, nos lecteurs se sont répartis de manière assez égale sur cette question. Alors que l’impulsion initiale de l’AML visait les contributions externes, il ne fait pas de doute que la publication ces dernières années d’articles internes nous a aidé à mieux relier l’AML aux événements, discussions, forums, groupes thématiques et autres courants de contenus du Mouvement de Lausanne. Nous devons continuer à trouver l’équilibre.

Rôle futur

En pensant au contexte mondial du Mouvement de Lausanne des dix prochaines années, quel peut être le rôle de l’AML ?

Le Mouvement de Lausanne a récemment annoncé que le Quatrième Congrès de Lausanne pour l’évangélisation mondiale se tiendra à Séoul, en Corée du Sud, au mois de septembre 2024. Le thème choisi pour ce congrès est : « Une occasion d’écouter, se réunir et agir – ensemble ». Comme l’explique l’annonce :

L’Église mondiale vit un moment critique où elle doit considérer à la fois son unité et son témoignage dans le monde, au moment même où nous cherchons à réaliser la vision du Mouvement de Lausanne : l’Évangile mis à la portée de chacun ; des Églises qui font des disciples, accessibles à tous les peuples en tout lieu ; des leaders à l’image du Christ dans chaque Église et dans chaque secteur ; et un impact du Royaume dans chaque sphère de notre société.[3]

« L’avenir de la mission est polycentrique (de tous vers partout), et l’ensemble de l’Église mondiale – qu’elle soit dénominationnelle, géographique, rassemblée en fonction de l’âge, du sexe ou de l’origine ethnique – doit travailler de concert pour apporter l’Évangile aux nations », déclare Allen Yeh, professeur d’études interculturelles et de missiologie à l’université Biola.[4]

Les responsables d’Églises et de missions du monde entier devraient encourager des partenariats interculturels plus nombreux et plus profonds – comme entre les Églises et les organisations missionnaires du Sud et du Nord – ainsi que des partenariats intergénérationnels. Les partenariats interculturels et intergénérationnels ne fonctionneront bien que si l’accent est mis avec force sur les relations, de manière à refléter la mutualité et la réciprocité. Tous seront invités à la « table ronde mondiale ». L’objectif est de donner à chaque participant un statut d’égalité dans une discussion qui leur permet de participer librement et pleinement à la conversation et d’y contribuer en partageant leurs avis et leurs idées. L’AML devrait y jouer un rôle important.

Pour y parvenir, l’intentionnalité est la clé :

  • Les membres du Comité consultatif éditorial de l’AML sont intentionnellement issus d’une diversité de cultures, de sexe et d’âge, ce qui donne accès à une diversité d’auteurs et d’articles pour chaque numéro ;
  • Nous travaillerons plus étroitement avec les directeurs régionaux du Mouvement de Lausanne pour veiller à ce que les voix émanant de leur région respective soient entendues ;
  • Nous collaborerons avec les responsables des catalyseurs et des réseaux thématiques du Mouvement de Lausanne pour que les analyses des articles soient le reflet des tendances et sujets qui animent la mission mondiale contemporaine ;
  • Par l’intermédiaire du groupe Génération de Jeunes Leaders du Mouvement de Lausanne, nous établirons des partenariats stratégiques avec les jeunes leaders pour encourager la rédaction d’articles provenant des penseurs de leur génération ;[5]
  • Le Mouvement de Lausanne s’est engagé dans un processus d’écoute systématique, par régions, par thèmes et par générations. « Partant d’un processus d’écoute et de rassemblement, nous appellerons l’Église à une action collective pour l’avancement du royaume de Dieu. »[6] Pour les prochains numéros de l’ALM, l’équipe d’écoute mondiale du Mouvement de Lausanne a commandé plusieurs articles à l’Église mondiale. Écoutons avec humilité les diverses voix du monde.

Nous espérons et prions que l’histoire de l’AML puisse inspirer nos frères et sœurs des diverses régions et les amener à collaborer les uns avec les autres de manière interculturelle et intergénérationnelle, et à s’engager dans leur propre analyse des événements, thèmes et tendances de l’époque actuelle à la lumière des Écritures et de la mission de Dieu. Notre espérance et notre prière sont que cela fournisse des conseils pratiques aux décideurs évangéliques, applicables dans leur contexte, et construise des ponts entre la parole de Dieu et le monde – comme nous avons essayé de le faire.

Notes

  1. Note de la rédaction : lire le premier numéro de Lausanne Global Analysis en novembre 2012 (en anglais), https://lausanne.org/category/content/lga/2012-11.
  2. Note de l’éditeur : « L’Engagement du Cap », https://lausanne.org/fr/mediatheque/ctc/engagement-du-cap.
  3. Séoul 2024 : une occasion d’écouter, se réunir et agir – ensemble : Annonce du Quatrième congrès de Lausanne sur l’évangélisation mondiale, Le Mouvement de Lausanne | 04 Mai 2022, https://lausanne.org/fr/news-releases-fr/seoul-2024-announcement.
  4. See article by Allen Yeh, entitled ‘The Future of Mission is from Everyone to Everywhere,’ in the January 2018 issue of Lausanne Global Analysis, https://www.lausanne.org/content/lga/2018-01/future-mission-everyone-everywhere.
  5. Editor’s Note: see article by Nana Yaw Offei Awuku, ‘Engaging an Emerging Generation of Global Mission Leaders’ in the November 2016 issue of Lausanne Global Analysis, https://lausanne.org/content/lga/2016-11/engaging-an-emerging-generation-of-global-mission-leaders.
  6. Le Mouvement de Lausanne, https://lausanne.org/fr/news-releases-fr/seoul-2024-announcement.

Authors' Bios

Doug Birdsall

Doug Birdsall a occupé le poste de président du Mouvement de Lausanne et présidé le congrès Cape Town 2010. Doug et sa femme Jeanine ont commencé leur service missionnaire au Japon en 1980 avec Asian Access. Ils y sont restés 27 ans. Ils habitent actuellement dans la région de Boston, près du Gordon-Conwell Theological Seminary, où Doug a été le directeur fondateur du J Christy Wilson Centre for World Missions. Les Birdsall ont trois enfants mariés et cinq petits-enfants, qui vivent à Londres, New York et Washington DC.

David Taylor

David Taylor

David Taylor est le rédacteur en chef de l'Analyse mondiale de Lausanne. David est analyste des affaires internationale et plus particulièrement ce qui a trait au Moyen-Orient. Il a travaillé pendant 17 ans au UK Foreign and Commonwealth Office, département exécutif du gouvernement britannique chargé des affaires étrangères, la plupart du temps en charge du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Il a ensuite passé 14 ans comme rédacteur pour le Moyen-Orient et vice-rédacteur de Daily Brief à Oxford Analytica, ainsi que pour le Mouvement de Lausanne et d'autres clients, travaillant aussi avec Solidarité chrétienne internationale (CSI), Religious Liberty Partnership et d'autres réseaux sur les questions internationales de liberté religieuse.

Loun Ling Lee

Loun Ling Lee est la rédactrice en chef de l’Analyse mondiale du Mouvement de Lausanne. Elle enseigne la « Lecture missionnaire de la Bible » et le « Dialogue avec les religions du monde » en Malaisie et au Royaume-Uni. Anciennement chargée de cours sur la mission au Redcliffe College, au Royaume-Uni, directrice de la formation pour AsiaCMS basée en Malaisie, mobilisatrice missionnaire pour OMF et pasteure de la Grace Singapore Chinese Church, elle siège au conseil d’administration de OMF UK.

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