Global Analysis

L’héritage de Joel Edwards en matière de leadership

courte biographie d’une personnalité jamaïcaine emblématique

Las Newman Jan 2022

Joel Edwards est une personnalité chrétienne britannique emblématique née en Jamaïque. Immigrant transplanté, ayant grandi à Londres dans une Église pentecôtiste jamaïcaine, il s’est hissé au premier rang des dirigeants de la communauté évangélique du Royaume-Uni et s’est distingué en tant qu’évangélique. Par la suite, la reconnaissance de ses qualités de leader a encore été appliquée à son rôle de portée mondiale de directeur général du Défi Michée.[1] Son plaidoyer mondial en faveur des pauvres et des défavorisés, lui a valu d’être décoré de la médaille CBE[2] par Sa Majesté la Reine, en 2019. Lorsqu’il est décédé, le 30 juin 2021, la grande perte que la communauté chrétienne mondiale a subie a déclenché une effusion d’amour et d’affection.[3]

« De plusieurs, un peuple » a façonné la vie et le leadership public de Joel, faisant de lui un « rassembleur » et un bâtisseur de ponts interculturels.

Enfance et jeunesse

Joel a grandi dans l’environnement des quartiers chauds de Kingston, la capitale de la Jamaïque. Fils de parents jamaïcains, ses racines étaient fermement ancrées dans le sol de ce pays. David Henry, un ami personnel et proche collègue en Jamaïque, estime que nous ne devons jamais sous-estimer l’impact de la culture jamaïcaine sur la vie de Joel. La devise nationale de la Jamaïque, « De plusieurs, un peuple »[4], est une vision du monde qui a façonné la vie et le leadership public de Joel, faisant de lui un « rassembleur » et un bâtisseur de ponts interculturels.

Bien qu’ayant émigré très jeune vers le Royaume-Uni, à l’âge de huit ans, en 1960, en pleurant jusqu’à l’aéroport de Kingston, Joel a entretenu une relation étroite avec la Jamaïque tout au long de sa vie et y est retourné fréquemment en tant que membre de la diaspora jamaïcaine. Devon Dick, pasteur baptiste et chroniqueur dans un journal, a rappelé en 2003 que lorsque l’Alliance évangélique du Royaume-Uni a organisé un forum au Haut-Commissariat de la Jamaïque à Londres, auquel elle avait invité plusieurs dirigeants d’Églises jamaïcaines, Joel a organisé une réunion de haut niveau avec des représentants du gouvernement pour régler le problème d’exigences controversées en matière d’immigration.[5] Il a reçu du Premier Ministre la Medal of Appreciation pour services rendus à la Jamaïque en 2003 et il a ensuite inspiré une « campagne de pardon » en réponse aux meurtres commis par vengeance dans le centre-ville de Kingston. Cette démarche a abouti à un service religieux national au cours duquel les deux principaux partis politiques ont signé un accord.

L’influence du leadership de Joel s’étendait à la diaspora africaine et caribéenne. En tant que dirigeant du Réseau Michée, il se rendait à New York pour les réunions annuelles des Nations unies et prêchait invariablement dans la Bethany Church of the Nazarene du Bronx, dans la communauté afro-caribéenne.[6]

Leadership

Pendant trois décennies, Joel a travaillé avec l’Alliance évangélique britannique et son organisation sœur, l’Alliance évangélique afro-caribéenne, où il a occupé diverses fonctions de direction. En 1988, il a été nommé secrétaire général de l’Alliance évangélique antillaise (devenue plus tard l’Alliance évangélique afro-caribéenne, ACEA), succédant au légendaire Guyanais Philip Mohabir.[7] À ce poste, il a contribué à établir des relations entre les chrétiens noirs et blancs, par la création de solides liens de confiance entre eux. À partir de 1992, il a mené la charge en Irlande du Nord, en Écosse et au Pays de Galles en tant que directeur de l’Alliance évangélique du Royaume-Uni, et ce jusqu’en 1997, date à laquelle il a été élu au poste de directeur général, premier dirigeant pentecôtiste noir à diriger cette vénérable organisation britannique. En tant que directeur général (1997-2007), il a apporté aux plus de 7 000 Églises et organisations britanniques membres de l’Alliance, une direction audacieuse, courageuse et énergique, et il a réussi à mobiliser, dans une démarche d’amour et d’unité, quelque deux millions de chrétiens engagés pour la cause de l’Évangile.[8]

Il a contribué à établir des relations entre les chrétiens noirs et blancs, par la création de solides liens de confiance entre eux.


Courtesy of the Evangelical Alliance

Dans ses fonctions publiques, il s’est distingué sur plusieurs fronts. Grâce à lui, la voix des chrétiens évangéliques au Royaume-Uni a été considérablement renforcée dans les médias publics, l’Église du pays et les couloirs du pouvoir à Westminster. En tant que président du Conseil des médias des Églises, avec l’archevêque de Cantorbéry de l’époque, le Dr Rowan Williams, et d’autres responsables d’Églises, il a fait part à la BBC de son inquiétude quant à la marginalisation croissante du christianisme par rapport aux autres religions dans ses pratiques d’emploi, ainsi que dans sa programmation publique. Il n’a jamais eu peur de prendre la parole et de s’exprimer sur les questions touchant la communauté chrétienne.

Un certain nombre d’organismes gouvernementaux, notamment le service de probation, la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme, le Conseil consultatif sur les droits de l’homme et la liberté religieuse auprès du ministère britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth, et le Groupe consultatif indépendant (IAG) de la police métropolitaine de Londres ont sollicité et écouté ses interventions.

Sa nomination en tant que commissaire de la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme (EHRC) en 2007 a été vigoureusement critiquée et combattue par la National Secular Society (Société nationale laïque) et d’autres organisations, en raison de ses croyances et de ses convictions religieuses.[9] Sa nomination a toutefois été défendue par le Ministre de l’Intérieur et par la Commission. Son rôle d’homme d’État, de diplomate et de bâtisseur de ponts dans une société devenue de plus en plus diverse, hautement multiculturelle, fragmentée et parfois polarisée, fut largement respecté. Nommé par l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair au conseil d’administration de sa nouvelle fondation, la Tony Blair Faith Foundation, afin de promouvoir le respect et la compréhension des principales religions du monde, et de mettre en évidence la foi en tant que puissante force du bien dans la société moderne, Joel Edwards fut l’incarnation exemplaire de ce principe.

En tant que leader évangélique engagé dans les questions de société, il a soutenu que l’Église avait le droit d’être entendue.

Il était très recherché par la presse britannique. Apparaissant fréquemment sur BBC Radio 4, Thought for The Day [La pensée du jour], le public a pu connaître son point de vue sur toute une série de questions considérées sous une perspective de foi. En tant que leader évangélique engagé dans les questions de société, il a soutenu que l’Église avait le droit d’être entendue, non pas parce que les personnes qui la composent sont parfaites, mais simplement parce que, dans la quête d’un monde meilleur, elle a été plus durable et plus généreuse que n’importe quelle philosophie politique ou personnalité d’entreprise. « Ses panneaux indicateurs sont peut-être poussiéreux, mais dans l’ensemble, ils indiquent toujours la bonne direction. »[10]

En 2001, un honneur rare lui a été accordé avec sa nomination en tant que Prebendary (chanoine honoraire) de la cathédrale Saint-Paul de Londres, un exploit pour un membre du clergé pentecôtiste n’appartenant pas à l’Église anglicane.

Lors de l’assemblée générale 2008 de l’Alliance évangélique mondiale à Pattaya, en Thaïlande, Joel Edwards a été nommé au nouveau poste de directeur international du Défi Michée. Pendant son mandat de directeur (2008-2015), il s’est efforcé d’aider les gouvernements, les Églises et les autres ONG à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies, auxquels tous les États membres de l’ONU avaient souscrit.[11]


An Agenda for Change: A Global Call for Spiritual and Social Transformation by Joel Edwards

Héritage et impact mondial

Joel a laissé un héritage de leadership durable pour l’Église mondiale. Ses publications, dont An Agenda for Change: A Global Call for Spiritual and Social Transformation [Programme pour le changement : un appel mondial à la transformation spirituelle et sociale],[12] seront des stimulants pour l’action évangélique pour de longues années à venir. Défenseur d’une présentation crédible du Christ au 21e siècle, il a fortement plaidé pour la réhabilitation du terme « évangélique ».[13] David Muir, ami et collègue de longue date, note : « au centre de son ministère se trouvaient trois grandes idées : rendre le Christ crédible sur la place publique, faire de l’Évangile une bonne nouvelle et unir les évangéliques pour transformer la société. »[14] Il était également co-auteur (avec David Killingray) de Black Voices: The Shaping of our Christian Experience [Voix noires : l’élaboration de notre expérience chrétienne],[15] histoires de Britanniques noirs dont la foi, le sacrifice et le service ont contribué à la création de la Grande-Bretagne moderne, mais dont la contribution est peu connue et largement oubliée. Leurs histoires, qui font partie du tissu riche et fascinant de l’histoire britannique moderne, ont généralement été passées sous silence, ce que Joel a souligné lors d’un service à l’abbaye de Westminster en 2018, marquant le 70e anniversaire de l’arrivée du HMS Windrush, un navire amenant des centaines d’Antillais en Grande-Bretagne pour aider à la reconstruction d’après-guerre.

Joel Edwards peut véritablement être compté au nombre des leaders exceptionnels de la mission du 21e siècle.

L’héritage de Joel Edwards illustre les possibilités et l’importance des Églises d’immigrants dans la revitalisation du christianisme dans des environnements chrétiens plus anciens.[16] Le milieu dans lequel son leadership chrétien s’est formé et exercé, notamment sa formation théologique formelle à la London School of Theology, lui a permis d’embrasser pleinement une théologie de la mission comme mission intégrale.[17] Comme l’a exprimé Mike Talbot, ancien président de l’Alliance évangélique du Royaume-Uni : « Joel est un homme d’État évangélique qui a apporté une contribution significative au témoignage de l’Église dans ce pays. Il est respecté dans toute la communauté chrétienne, et au-delà, et aimé pour sa gentillesse et sa passion pour la bonne nouvelle du Christ. »[18]

Joel Edwards peut véritablement être compté au nombre des leaders exceptionnels de la mission du 21e siècle. La Caribbean Graduate School of Theology lui a décerné le titre de docteur en théologie (honoris causa) en 2006 et, en tant que président (2008-2016), j’ai été fier de reconnaître sa contribution exceptionnelle à la mission mondiale en le nommant Distinguished Fellow of the Graduate School. Devon Dick a écrit : « Joel a mis à profit ses 15 années d’activité de radiodiffuseur indépendant à la BBC et ses 10 années de leadership au sein de Micah Challenge International […] pour faire progresser le bien-être de l’ensemble de la race humaine » – expression tirée du National Pledge de la Jamaïque.[19]

Notes

  1. Le Défi Michée, créé en 2008, est une émanation du Réseau mondial Michée [aujourd’hui Michée Mondial], créé en 1999 en tant que mouvement missionnaire mondial axé sur la mission chrétienne comme mission intégrale. https://www.micahnetwork.org/.
  2. Note de l’éditeur : Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique, équivalent de Grand Officier de la Légion d’honneur en France
  3. Marcia Dixon, ‘Community mourns Rev Joel Edwards,’ The Gleaner, 10 July 2021,https://jamaica-gleaner.com/article/news/20210710/community-mourns-rev-joel-edwards; Ed Thornton, ‘Archbishops’ sad farewell to Joel Edwards,’ Church Times, 1 July 2021, https://www.churchtimes.co.uk/articles/2021/2-july/news/uk/archbishops-sad-farewell-to-joel-edwards.
  4. Interview de l’auteur, 5 août 2021, citant la devise nationale de la Jamaïque.
  5. Devon Dick, ‘Letter of the Day | Joel Edwards – A friend of Jamaica,’ The Gleaner, 6 July 2021, https://jamaica-gleaner.com/article/letters/20210706/letter-day-joel-edwards-friend-jamaica.
  6. L’évêque jamaïcain Sam Vassel l’a rappelé dans un entretien avec l’auteur, le 1er juillet 2021.
  7. Phillip Mohabir, ‘An Apostle to Britain,’ Israelolofinjana, 3 September 2012, https://israelolofinjana.wordpress.com/2012/09/03/philip-mohabir-an-apostle-to-britain/.
  8. ‘Rev Dr Joel Edwards CBE: his lasting legacy,’ Evangelical Alliance, 30 June 2021, https://www.eauk.org/news-and-views/rev-dr-joel-edwards-cbe-his-lasting-legacy.
  9. Ruth Gledhill, ‘Gays reject equality promoter, Dr Joel Edwards,’, The Times, 21 January 2008 https://www.thetimes.co.uk/article/gays-reject-equality-promoter-dr-joel-edwards-wswnqc86t56; Hilary White, ‘Outrage Over Appointment of Evangelical to British Human Rights Body,’ LIFESITE, 19 November 2007, https://www.lifesitenews.com/news/outrage-over-appointment-of-evangelical-to-british-human-rights-body/.
  10. Joel Edwards, ‘The Letter of Joel Edwards to the UK Church,’ Premier Christianity, 14 September 2015, https://www.premierchristianity.com/home/the-letter-of-joel-edwards-to-the-uk-church/3372.article.
  11. Le Défi Michée a été une campagne confessionnelle mondiale lancée au début de ce nouveau millénaire pour mobiliser le soutien du public afin de sortir des millions d’êtres humains de la faim et de l’extrême pauvreté. L’argument de cette campagne était que les pauvres, comme tous les autres êtres humains, sont créés à l’image de Dieu et méritent de vivre dans la dignité de ce que signifie être vraiment humain. Ce projet a atteint son apogée en 2015. https://research.un.org/en/docs/dev/2000-2015
  12. Joel Edwards, An Agenda for Change: A Global Call for Spiritual and Social Transformation (Grand Rapids: Zondervan, 2008).
  13. Joel Edwards, ‘Rehabilitating ‘Evangelical’ and Pursuing Spiritual and Social Transformation,’ https://vimeo.com/215482080.
  14. R David Muir, ‘A tribute to my friend, Joel Edwards,’ Christianity Today, 8 July 2021, https://www.christiantoday.com/article/a.tribute.to.my.friend.joel.edwards/137072.htm.
  15. Joel Edwards and David Killingray, Black Voices: The Shaping of our Christian Experience (UK: IVP, 2007).
  16. Editor’s Note: See article by Sam George, entitled ‘Is God Reviving Europe Through Refugees?’ in May issue of Lausanne Global Analysis, https://lausanne.org/content/lga/2017-05/god-reviving-europe-refugees.
  17. Les défenseurs de la mission intégrale étaient initialement des théologiens et des missiologues latino-américains, en particulier C. René Padilla, président fondateur du Réseau Michée. Joel affirmait que la mission chrétienne implique une relation intégrale entre la parole et les actes. Son ministère a clairement mis en évidence une conviction passionnée du rôle visible et dynamique de l’Église dans la société, en particulier dans la sphère publique.
  18. ‘Evangelical Alliance leader to step down after 11 years,’ Christianity Today, 8 March 2008 https://www.christiantoday.com/article/evangelical.alliance.leader.to.step.down.after.11.years/17235.htm.
  19. Devon Dick, ‘Letter of the Day | Joel Edwards – A friend of Jamaica,’ The Gleaner, 6 July 2021, https://jamaica-gleaner.com/article/letters/20210706/letter-day-joel-edwards-friend-jamaica.